Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.
8 Avril 2011
Le merveilleux cadeau de la lecture.
En plusieurs occasions cette semaine j'ai eu le bonheur de rencontrer physiquement des lecteurs virtuels et silencieux. Il est étonnant de se voir ainsi découvert quand l'anonymat demeure la
règle encore autorisée de cette étrange relation à sens unique que l'on nomme blog.
Il y a bien des fidèles commentateurs, amis lointains et inconnus qui échangent à intervalles plus ou moins réguliers quelques mots avec mon double numérique. Dans ces mots partagés, le masque ne
tombe pas, chacun reste derrière le pseudonyme choisi en se préservant des manières, des postures ou tout simplement par l'absence tangible.
Il y a parfois quelques plus aventureux qui osent le lien plus intime d'un courriel que je n'ai jamais dissimulé. Les remarques sont alors franchise ou confession, témoignage ou anecdote à ne
point livrer à la curiosité de tous. Le lien est éphémère, ponctuel mais il se permet une douce intrusion dans un intime préservé.
Mais le contact physique est d'une toute autre nature et fait tomber plus surement le masque protecteur. Dimanche ce fut, à l'écart d'une rambarde sur un terrain de rugby, un jeune homme qui
tenait à me féliciter de mes billets sur mes chroniques et de mes commentaires sur Libération Orléans. Simplement, discrètement pour signifier le plaisir de partager un point de vue et me
demander de continuer ainsi, une sorte de délégation par procuration.
Il n'avait pas cherché à savoir plus que ce que je donnais en pâture. Il se reconnaissait derrière une certaine conception du sport, de l'amitié et de la vie sociale. Il a voulu le dire sans que
personne ne nous entende, comme s'il avançait sur la pointe des pieds pour ne pas déranger l'homme réel à qui il parlait de ses doubles. Charmante discrétion qui me toucha tout autant que ces
mots gentils et l'incongruité de cette rencontre sur un terrain de rugby.
Il y eut aussi cette réunion souterraine pour sauver le soldat Mourad et notre LibéOrléans condamnés à mort par les raisonneurs économiques de ce journal qui perd son âme. Internet est le lien
ténu de tous les participants qui peu ou prou jouent du clavier tout autant que des idées. Des lecteurs croisés, des gens qui vont de l'un à l'autre parce qu'ils appartiennent à une confrérie.
J'avoue que je ne suis pas un lecteur assidu de mes camarades locaux, le temps me manque quelque peu.
Dans le lot des conspirateurs, il y avait une exception notable, un lecteur exclusif qui ne se livre pas à l'exercice scriptural en publique. Il vint à moi et me fit ce cadeau merveilleux de me
dire : « Je vous lis tous les matins à 6H 30 quand ma femme est sous la douche ! » Le détail n'est pas anodin, la lecture de mes billets ne se partage pas sans doute et lave l'esprit quand
d'autres s'attachent à leur corps …
Mais c'est la connaissance intime qu'il s'était construit de ma vie qui m'étourdit plus que ce détail aqueux. Il connaissait mon nom, savait ce que je faisais, quels étaient mes activités, mes
loisirs, mes soucis. Il me citait un billet pour illustrer un commentaire que je lui renvoyais. J'étais dans le cercle de ses intimes alors que je ne savais rien de lui.
Étrange sentiment partagé entre fierté de ne pas agir inutilement, de trouver écho et œil attentif, plaisir de semer quelques idées qui trouvent terreau favorable et crainte de trop donner
finalement, de livrer une partie de moi-même à la sagacité de ceux qui veulent s'en saisir pour de nobles raisons comme ce lecteur matutinal ou de méchants desseins pour ceux que je n'épargne
pas.
Je ne doute pas que je n'exprime ici rien de bien original et que les personnages publics sont tous confrontés à leur double décrypté ainsi par les autres. Mais j'ai fait le choix de l'ombre, en
me trouvant quelques minutes surpris par une petite clarté, j'ai compris que rien ne serai plus jamais comme avant le temps de mes prétentions immodestes.
Dévoilement leur.