Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.
21 Mai 2010
Risque de consanguinité
!
Samedi, j'aurai le redoutable plaisir de commenter la finale de la coupe d'Europe de rugby en direct sur Le Post. Je crains de donner la migraine aux supporters occasionnels qui risquent de se
perdre un peu dans le langage ésotérique de l'amateur éclairé. Notez bien que je ne revendique nullement le qualificatif de « spécialiste » qui fleure bon l'immodestie et parfois la
sénilité.
Alors, je vous régalerai du verbe ovale, de l'emphase propre à ce sport qui se plaît à confondre le geste sportif complexe, brutal ou limpide et l'enluminure des mots qui décrivent cette aventure
qui puise ses racines dans la mythologie et l'inconscient des combats ancestraux.
J'espère du moins pouvoir tenir cet engagement mais un petit élément freine mon enthousiasme tout en retenue. Si une finale franco-française va de soi pour distribuer notre bon vieux bouclier de
Brennus, il en va tout autrement pour une Coupe d'Europe.
Le Rugby se nourrit de l'opposition atavique du Celte et du Latin, de l'ordre et du désordre, de la sagesse dans la rigueur, à la folie dans l'improvisation. Nous aimons nous régaler de cette
réplique permanente de la Guerre de Cent ans, de Trafalgar et de tant d'autres fourberies que nous ont jouées nos amis d'outre-Manche.
Samedi, qui jouera le rôle du mauvais, du perfide, du fourbe ? Nul « British » pour penser que l'arbitre veut la perte des hommes au béret, nule hostilité évidente entre les instances
dirigeantes et le petit gaulois de service. Nous allons devoir choisir entre deux équipes françaises, entre deux visions pas vraiment éloignées du jeu.
Nous allons réagir avec ce qui fait le charme de la finale du Championnat. Les uns auront un cœur au penchant géographique, les autres trembleront pour une école, un jeu , une façon de comprendre
ce merveilleux sport. Certains ne regarderont qu'un joueur en particulier, une référence qui fera pencher leurs espoirs.
Tous, nous choisirons avec des critères subjectifs qui vont nous diviser derrière notre petit écran, dans les troquets, sur le Post au moment des commentaires. J'eusse préféré une belle et loyale
opposition avec nos meilleurs ennemis. Nous eussions tous resserré les rangs pour souhaiter la défaite des vilains, des pas-beaux, des tricheurs et des sournois : ceux d'en face !
Samedi, nous serons divisés comme nous le serons encore, et c'est beaucoup plus normal la semaine suivante pour le grand exode d'Ovalie, la finale du Championnat de
France. Cette fois, il n'y aura pas un exode comparable, les places sont depuis longtemps vendues pour une joute incertaine et cosmopolite. Au lieu de quoi elle est rebattue et
franchouillarde.
Les tribunes ne seront pas colorées comme un soir de Finale de chez nous ! Il y aura bien les plus malins des fidèles de Biarritz ou de Toulouse, deux publics
d'exception, habitués à la fête et aux grands rendez-vous. Mais il y aura aussi tous ceux qui savent se débrouiller, ont des relations, des entrées partout, des béotiens de ce jeu qui rendront le
stade de France un peu plus triste, un peu moins flamboyant qu'à l'accoutumée.
Je suis peut-être un éternel insatisfait mais j'eus préféré l'incertitude à cette attribution automatiquement tricolore de la Coupe, à cette opposition consanguine qui se donnera l'air d'une
finale du Championnat sans l'être vraiment.
Mais puisqu'il faut choisir, se déterminer pour un camp contre un autre, j'opterai, je vous le concède humblement le camp du jeu et de l'audace. Chacun se déterminera à son tour !
Impartialement vôtre