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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Entre deux siestes.

Notre dernière demi-heure

 

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   L'affiche est alléchante, un joli festival autour du théâtre dans un petit village de Sologne. Une roulotte guichet sur la place de l'église, un clin d'œil à ce temps pas si lointain où les comédiens étaient voués à l'enfer chrétien. Un public réduit mais fidèle et deux chapiteaux dressés derrière la mairie-école.   

    Le décor est planté. Derrière la façade enchanteresse déjà se pointent quelques lézardes qui attestent du malaise du spectacle vivant dans une nation qui laisse sombrer sa culture. Les autochtones sont discrets, voire absents ; la frilosité, la crainte, l'ignorance ou le désintérêt sont les complices objectifs de dame télévision.

    Comme à chaque fois, l'entre-soi domine. Un parterre de bobos-intellos-marginaux-pédagos qui peu ou prou constitue le public de tout ce qui est estampillé « culturel ». Les cheveux blanchissent, les jeunes sont très minoritaires et rien ne permet d'espérer un renouvellement rapide dans les années à venir.

     La tradition du quart d'heure de retard est ancrée dans les esprits et les pratiques. L'organisateur passe saluer le public qui piétine. il devise de ci, de là sans rien expliquer de ce contre-temps atavique.

    Le temps passe encore, la femme de l'organisateur vient claquer quelques bises à plus de la moitié du public. Toujours pas d'explications, le spectacle vivant a toujours des impondérables, le rafistolage est une règle imposée par des moyens indigents mais la communication ne coûte rien !

    Le vent se lève, le printemps célèbre encore ces maudits Saints de Glace. Un homme en salopette vient enfin, la demi-heure largement écoulée, invoquer un problème électrique pour éclairer nos inquiétudes légitimes. Un petit malin regrette qu'on n'ait pas pensé installer une éolienne sur le faîte du chapiteau.
   
    Le public s'impatiente. C'est à ces petits détails qu'on décourage les moins convaincus, les plus réticents à oser découvrir des spectacles qui n'ont pas accès au rouleau compresseur médiatique. La porte s'ouvre enfin et les bancs de bois tendent des coussins salvateurs aux séants des curieux et des amis.


    Le fil est branché, le spectacle ouvre sa magie sur un équilibriste incertain dans un décor qui laisse les portes ouvertes à toutes les facéties de quatre hurluberlus. Les facéties s'accumulent entre acrobaties et poésie gestuelle. Petit à petit, les spectateurs sont pris par la main et le rire pour pénétrer cet univers factice.

    La virtuosité, les jongleries, la pantomime habitent cet absurde qui se nourrit de ces seuls ingrédients. On rit et on s'ennuie, on se lasse ou on s'esclaffe, on s'interroge ou on s'amuse, on s'impatiente et on apprécie une trouvaille.

    Toute l'ambiguïté et la fragilité du spectacle vivant s'expriment ici ; équilibre instable entre savoir-faire et vouloir-dire. Entre deux siestes, des intermittents au talent indéniable proposent une belle production au message énigmatique.

    Puis notre dernière heure sonne avec Amédée Bricolo qui se joue de la mort et de l'humour noir. Il se met la corde au cou et l'arme à gauche. Sa mise en bière déclenche des rires salutaires. Il revient d'outre-tombe pour achever son spectacle en trombe et en trompe la mort. Il se démène et mouille le linceul ! Hélas, il fait un peu trop durer l'agonie, sa belle prestation eut mérité quelques coupures pour ne pas traîner en langueur. Un petit reproche au moment des remerciements et des fleurs et un tombeau d'applaudissements.

    Ardonnement vôtre

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