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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Du sable sous nos pas.

Le marcheur chafouin.


 

Les plages des Landes : immensité de sable entre dune fragile et férocité océanique. Là où les rouleaux se meurent, quelques promeneurs d'avril avancent en repoussant à chaque pas un horizon qui se dérobe sans lassitude.
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L'océan gronde. Il couvre nos conversations qui s'ensablent dans les évidences affligeantes sur un lieu magnifique qui ne mérite pas tant d'infamies. La plage est encore immondice, les poubelles espagnoles déversent ici l'une des rares réalités tangibles de cette Europe des détritus. Les nettoyeurs littoraux n'effaceront les scories qu'avant l'arrivée des premiers baigneurs …
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La papeterie prétendument Gascogne déverse au milieu du nulle part un flot nauséeux d'eau souillée et odoriférante. Les effluves vous passent l'envie de tremper un arpion dans ce filet mousseux et jaunâtre. Au vu et surtout au nez de tout le monde, l'industrie triomphante répand cette abomination ! Quelques dépenses supplémentaires suffiraient pourtant à l'abolir définitivement.

De rares marcheurs croisent parfois nos pas diserts. La bien faible densité humaine permet de retrouver les règles communes de la courtoisie. On se salue, on se sourit ici, quand dans peu de mois, on s'ignorera superbement. La serviette de bain induisant l'hostilité prochaine.
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Deux épaves offrent leurs immenses carcasses oxydées à l'épreuve du temps, de la  mer, du sel et du sable. Ce que les hommes ont abandonnés sans honte ici, c'est plus que de la ferraille. C'est leur dignité et leur sens de la responsabilité. Ces monstres déchus rouillent sous le soleil. Fasse que la société qui permet cela subisse rapidement pareille déchéance !

Au dessus de nos têtes, un ballet incessant de traînées blanchâtres atteste d'une circulation aérienne effrénée. Le ciel ne peut se parer d'un bleu virginal, il est zébré par les marques de notre folie encore triomphante. Le kérosène brûle ses derniers barils pour que l'homme moderne traîne son ennui sur la planète entière.

Près de la dune, quelques futurs voyageurs aériens se préparent. Stakhanovistes du bronzage ils s'exposent nus sous ces premiers rayons réjouissants. La dictature de l'apparence vaut bien ces heures de totale oisiveté pour donner au corps ce teint halé qui déplait tant quand il vient de l'autre côté de la Méditerranéenne. Étrange capacité des hommes à adorer chez les uns ce qu'ils exècrent chez les autres.

Nos marcheurs poursuivent leur chemin de sable. Nul grain n'entrave ce projet piétonnier. Pas de véhicule ici. Ni ces abominables « quads », nouvel avatar de la tyrannie mécanique, ni ces aquascooters indécents qui sacrifient à la jouissance de quelques-uns la quiétude de tous les autres, ni ces affreux quatre-quatre rutilants qui imposent partout la vanité des plus stupides.

Un groupe de cavaliers constituera la seule entorse à la lenteur du pèlerin. Ici, le voyageur se fait jouisseur de ce spectacle majestueux, goûteur de la rumeur marine, profiteur de cette offrande naturelle. Mais hélas, la vigilance s'impose. La société tisse sa toile maléfique. Nous croisons un étrange « conciliabuleur » avec lui-même. Il marmonne à voix basse, oublie de nous rendre notre salut. A son oreille pend  un bien curieux chapelet ! Homme d'importance, la civilisation ne peut se passer de son absence …

Il est l'avant-garde technologique qui va déferler dans quelques mois. La musique couvrira le bruit des vagues. La cacophonie des succès éphémères ne se satisfait plus du casque ou de l'oreillette bien trop discrets, il faut l'admettre.

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Pour l'heure, nous marchons entre bruissement aqueux et murmures d'Éole, railles du goéland et craquements de la forêt landaise. Les hordes ne sont pas encore-là. Profitons du moment avant qu'il ne soit plus temps ! 

Plagepédestrement vôtre.

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