Quand le réservoir prend l'eau de toute part.
Vendredi soir, on portait les habits de gala pour recevoir, sous les lampadaires nouveaux, un match international de Rugby. La réserve des moins de 20 ans Français devait
ne faire qu'une bouchée des fils du soleil levant.
L'arrivée au stade des Montées nous fit comprendre que le Français ne serait pas à la fête. Le parcage n'étant pas possible à qui n'avait pas opté pour ce « Package » ,
vilain anglicisme de mauvaises augures.
Une journaliste du petit bleu et le Sorcier du Gers, lui même, se trouvaient refoulés par des Cerbères automobiles ne connaissant pas le petit monde de la chose ovale.
Qu'importe, un bout de trottoir fit l'affaire, dans le mépris des règles élémentaires de sécurité circulatoire.
Je pensais en rester là et ne plus avoir à user de la langue perfide et venimeuse dont on me gratifie parfois. Hélas, grands Dieux de la Soule et du Rugby Champagne, le spectacle
qui nous fut donné de regarder, troubla plus encore l'éducateur que l'automobiliste refoulé.
Mise à part la première minute de jeu avec un groupé pénétrant qui balaya les visiteurs du soir, la prestation des Français désola les amateurs de ce jeu et désespérèrent ceux
qui pensaient qu'il y avait une morale dans le sport.
Les jeunes japonnais rendaient des kilogrammes et des centimètres à des adversaires dont on peut légitimement penser qu'ils ont été sélectionnés sur des critères purement
morphologiques. La toise et la balance n'établissent pas définitivement une hiérarchie dans ce sport qui est encore un jeu de ballon.
L'enthousiasme des Nippons ( surtout excellents joueurs) permit d'assister à un formidable contraste. David ridiculisant Goliath à chaque prise de risque, lors de chaque
attaque. De la vitesse, de la vivacité, de l'intelligence, du bonheur à jouer, de l'adresse et du mouvement permanent. Autant de qualités dont nos jeunes coqs étaient totalement dépourvus. Ils
tenaient d'ailleurs plus du Chapon en fin de gavage que du fier gallinacé.
Quatre essais illuminèrent notre soirée pluvieuse. Ils nous firent oublier l'indigence du jeu des bleus, leur manque d'envie, de plaisir et de dextérité. Ainsi, la formation
Française produisait ce genre de garçons déjà formatés pour être des boutiquiers de ce jeu. Jeu au pied, pénalités et rien d'autre ou peu s'en faut.
La méthode doit avoir des vertus puisqu'au bout du scandale, à la dernière seconde, une passe au pied et un rebond miraculeux crucifiaient ceux qui nous avaient mis en joie. Il y
a des soirs où le bleu se porte à l'âme, j'avais honte pour ces spectateurs heureux de la victoire de leurs couleurs.
Le Rugby Français sortait la tête basse de cette caricature. Les jeunes japonais nous donnaient une nouvelle leçon. A la virtuosité technique, à la recherche permanente de
l'évitement quand les nôtres préféraient ce rentre dedans stérile et sans joie, à l'enthousiasme contre la morosité, ils ajoutèrent la dignité et le respect et là, je n'ai rien à leur opposer en
magasin !
Ce salut au terrain en quittant le jeu, ce salut au public à la fin du match sont des gestes de seigneurs. Ils le sont restés alors que cette défaite était profondément injuste
et que l'attitude des vainqueurs manquait singulièrement d'humilité.
Je rentrai à pied de ce stade pour calmer une colère sourde. Je ne me reconnais pas dans ce Rugby frileux sans les savoir-faire élémentaires de la technique au ballon. Le
soleil brillait dans ce jeu japonais, vaincus injustement, ils seront pourtant les vainqueurs de demain ...
Éducativement vôtre