Les marchands de l'erreur potentielle.
Les moulins à vent ne manquent pas et nous vivons une époque
formidable. Les marchands, pardon les fabricants de matériel scolaire ne dérogent pas à la loi fondatrice du marché :
« vendre n'importe quoi pourvu que ça plaise ! »
Les cartables de nos chères têtes multicolores, regorgent d'objets censés appartenir à la liste extensible à loisir, fournie par des professeurs qui ont oublié le caractère
gratuit, et à défaut économique, de l'enseignement.
Le n'importe quoi domine dans ce fatras vendu par des supermarchés peu regardants sur l'utilité ou la justesse des instruments de mesure qu'ils mettent dans leurs rayons. Aucun
organisme officiel de contrôle ne vient se mêler de la cohérence pédagogique ou de la pertinence du produit en question. On se demande encore s'il existe un organisme des poids et mesures dans ce
pays où la démesure est reine.
Le Prince de la tromperie, le roi de la duperie, l'archange de la migraine du professeur de mathématiques, c'est le bien nommé rapporteur. Comment se fier à un objet portant
pareil patronyme ? L'esprit le plus retors prévaut chez ses concepteurs.
Le fourbe peut être gradué en degrés, ce qui est la moindre des qualités mais certains s'offrent le luxe de leur ajouter des grades pour complaire à un public anglo-saxon
dont, il faut bien l'admettre, on se moque éperdument en la circonstance. Certains sont accompagnés d'une graduation en centimètres qui vient semer la confusion dans les classes dissipées.
La fantaisie règne dans le sens de rotation de l'instrument. La graduation extérieure, la seule au demeurant qui devrait apparaître, pour éviter les interminables erreurs de
lecture, peut aller dans le sens trigonométrique ce qui peut est la moindre des délicatesses, comme dans le perfide sens des aiguilles d'une montre, pas même une Rolex...
L'élève se perd en conjoncture avec une facilité déconcertante quand le professeur démontre avec un instrument fort différent du sien. Les plus obtus refusent même de
poursuivre plus en avant un apprentissage dont ils ne perçoivent ni l'utilité ni la cohérence.
Mais les difficultés ne s'arrêtent pas là. La cible, le cœur de cet instrument polymorphe, peut se situer en bien des endroits ma foi et être identifié de différentes manières.
L'inventivité des industriels est aussi grande que la perplexité des futurs utilisateurs.
Celle-ci devient particulièrement aiguë lorsque l'objet en question, couramment proposé à la voracité marchande des familles, ne remplit qu'à moitié son office. Car, il faut
avouer la triste vérité, on leur vend un demi-rapporteur, ce qui fait plus que doubler les futurs problèmes de l'enseignant ulcéré.
Si le plexiglas domine les rayons, la transparence n'en est pas pour autant convoquée à la définition d'un outil qui devient au plus haut degré, la bête noire de l'apprentissage.
On peut examiner ce problème par n'importe quel angle, il constitue un sommet de médiocrité scolaire.
Rassurez-vous, ce brave rapporteur, si cher aux enfants d'alors qui chantaient « Maréchal, nous voilà ! », n'est pas une exception dans l'imbroglio des
instruments de géométrie. L'équerre ne marche pas droit avec ses inévitables centimètres qui sèment la plus grande confusion. Les règles plates multiplient les fantaisies de toutes sortes jusqu'à
se faire molles ou pliables.
Je ne vous ferai pas un dessin mais la coupe est pleine et je crains bien de devoir me mettre un compas dans l'œil avant que de voir évoluer ce capharnaüm démesuré.
Anguleusement vôtre.