Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.
26 Mai 2010
Les stigmates de nos délires bâtisseurs.
Cenabum comme tant de grandes villes hexagonales se targue de modernité à coup de bulldozers, d'engins de chantier et de saignées dans la ville. La tendance du
moment remet au goût du jour ce qui paraissait obsolète au sortir de la première moitié du XX° siècle. Le bon vieux tramway est remis sur les rails et étend ses fils électriques en attendant la
prochaine tempête.
Faire et défaire, c'est donner de l'ouvrage aux amis de notre ami, des emplois pour le petit peuple et de l'investissement pour nos belles et grandes entreprises Françaises. Mon
tempérament profondément mesquin me pousse à voir le mal quand tant d'autres croient aux promesses de jours meilleurs. C'est hélas ce qui m'incite à mettre le nez là où d'autres préfèrent fermer
les yeux.
Le tramway en question est sur les rails, il n'y a plus à revenir sur les choix qui ont été faits dans l'intérêt public nous affirme-t-on ! Alors, l'investissement est maximal, les travaux
dantesques et l'emmerdement colossal … Il faut casser, creuser, planifier, préparer, ajuster, combler. La ville se fait gruyère et seules les souris osent encore danser !
Il eut été si simple d'exploiter la ligne de chemin de fer si proche et totalement parallèle. Mais ça n'aurait été ni drôle, ni juteux. Des travaux sont ostentatoires ou ne servent pas les
intérêts du commanditaire. Aucune gêne pour montrer par l'absurde que nos élus s'occupent des concitoyens... Combat d'arrière-garde, laissons tomber !
S'il n'était que les encombrements qui vont durer quelques joyeuses années, le ronchon de service prendrait son mal en patience et rongerait son frein. Mais l'armada des engins de chantier laisse
derrière elle un paysage de dévastation. Circuler, quand c'est encore possible, devient particulièrement dangereux à moins de disposer d'un quatre roues motrices.
Pour le cycliste ou le motocycliste que je m'évertue à rester, l'aventure est maintenant aux creux du chemin urbain. La ville ressemble à nos campagnes au cœur de la saison betteravière. Des
trous, de la boue, du sable, des creux, des bosses, des plaques indépendantes, des balises renversées, l'aventure est pour celui qui essaie de tenir l'équilibre sur la chaussée
chamboulée.
À deux roues, le déplacement est un parcours du combattant. La modernité est passée, la chaussée terrassée et le cycliste renversé. Nos castors du goudron ne
se soucient que fort peu de remettre en état leurs folies bâtisseuses. Les reliefs s'entendent dans toutes les acceptions du terme.
Ailleurs aussi, le gel, la neige, l'indifférence, le recul du service public ont produit les mêmes manifestations tectoniques. Les rafistolages, les vérifications, les interrogations, les
sondages, les petites retouches à la va-vite laissent un réseau en décrépitude. Ce sont des montagnes russes, des chausse-trappes, des routes ondulées qui s'offrent à notre volonté désespérée de
circuler sans être secoués.
L'amortisseur est à la peine, l'asphalte a perdu sa dénomination de billard. Les rues de nos cités s'apparentent au sol lunaire. Nous voyons d'année en année notre environnement immédiat se
dégrader sans que pointe la plus petite intention de casser cette fuite en avant. Les ponts et chaussées ne seront jamais remplacés et les grands travaux n'assureront jamais la bonne petite
maintenance quotidienne.
Asphaltement vôtre.