Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.
26 Mars 2012
Les vérités qui ne sont pas toutes agréables.
La communauté musulmane ne veut pas être confondue avec la bête fauve, ce monstre qui tua, de sang froid, des enfants. La demande est naturelle,
l'appel du Recteur de la mosquée de Paris est emprunt de dignité et de bon sens. Pourtant, il y aurait tant à dire, il y aurait tant à s'avouer franchement, au delà de ces remarques convenues qui
ne font guère avancer les choses.
Des musulmans raisonnables, des gens de bonne volonté et de tolérance, il en est fort heureusement bien plus que des fauves ou des
délinquants. C'est une certitude que nul ici, à la condition qu'il soit un peu raisonnable, ne remettrait en cause. Pourtant monsieur le Recteur, vous n'êtes pas sans ignorer que vous ne
parlez que de votre place d'homme cultivé et raisonnable, d'humaniste et de citoyen du monde.
D'autres, dans les quartiers, s'auto-proclament Imam, ils véhiculent des idées abjectes, profèrent des appels à la haine, en
appellent à la guerre sainte. Que pèsent vos belles paroles lorsque ces fous d'intolérance sont sur le terrain pour troubler les esprits, interdire l'intégration, poursuivre une guerre sainte
totalement délirante.
Monsieur le Recteur, c'est de ce drame qu'il faudrait d'abord parler avec les autorités de ce pays. Les ferments de la discorde sont installés
parce qu'il n'y a pas une conscience communautaire dans les nombreuses et différentes obédiences de votre foi et que nulle conscience collective ne semble émerger de ce maelström
inextricable.
Monsieur le Recteur, vous ne trouvez pas non plus l'appui qu'il faudrait du côté du pouvoir pour aborder ce problème que vous ne
serez jamais en mesure de régler seul. Il faut une surveillance des prêches, il est nécessaire de contrôler les contenus et les objectifs de ceux qui s'arrogent le droit de parler au nom de Dieu.
Nous tolérons par ignorance ou naïveté, par stupidité ou lâcheté les serpents qui distillent leur venin mortel.
Puis, il faut tenir le langage de vérité aux vôtre, à ceux qui ont la sagesse de vous écouter. Notre nation est foncièrement,
radicalement laïque. La religion y est affaire de conscience, elle se porte au cœur et dans l'âme mais ne s'affiche pas. Récuser ce principe c'est sans cesse nourrir la bête du racisme qui
sommeille dans notre nation. Nous n'en sommes pas fiers, mais sachez que voir une femme voilée, une femme engrillagée est pour beaucoup d'entre nous, une insulte à nos convictions, une souffrance
qui s'exprime de bien des manières. La femme est ici l'égale de l'homme, rien ni personne ne devrait nier ce principe essentiel de notre république.
Ne pas vous le dire c'est vous mentir. Osons aborder ce dossier, la tolérance ce n'est pas accepter ce qui révulse les consciences,
c'est accorder un regard bienveillant à celui qui respecte les grands principes collectifs qui fondent l'unité de notre société. Au lieu de quoi, les voiles sortent des quartiers comme des
crachats à nos valeurs. Chaque fois, les adversaires de la démocratie, les tenants de l'exclusion et du racisme ordinaire récupèrent de nouveaux adeptes avec une complicité que je n'ose croire
volontaire de la part de quelques fous d'Allah.
Nous savons bien que l'intégration n'est pas simple, que vos coreligionnaires sont souvent victimes de discrimination, de rejets à l'embauche, de
propos désobligeants, de regards qui repoussent. Font-ils le bon choix en s'enfermant dans un radicalisme qui creuse un peu plus le fossé qui nous sépare ? Nous savons qu'il n'est pas facile de
demander à ceux qui sont les moins forts de faire les premiers efforts, mais c'est ainsi que firent toutes les communautés qui s'intégrèrent ici.
Il est nécessaire de se dire des paroles de vérité. Qu'il faut des efforts des deux côtés tout comme il y a des limites intangibles
à ne pas franchir. Je ne crois pas qu'elles soient si nombreuses, j'espère qu'elles peuvent être acceptées de part et d'autre. Mais il faut se les dire franchement, ne pas feindre l'hypocrisie et
taire ce qui n'est pas possible. Le drame récent est l'occasion de mettre sur la table ce qui doit vraiment être évoqué pour vivre en paix et en harmonie dans ce pays qui est aussi le votre sans
le moindre doute de ma part.
Strictement vôtre.