Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Le Fardier avait du culot.

Le portefaix mécanique

 

 

Le Duc de Choiseul alors secrétaire d’État à la Guerre est soucieux de développer l’artillerie mais porter le canon est bien plus délicat que de le vider. La pièce reste à l'affut d'une innovation qui mettrait les chevaux aux rencarts pour sortir des inévitables ornières que font les artilleurs d'en face, ceux-là même qui n'ont pas l'intention de vous faciliter la tâche.

Nous sommes en 1771, un siècle avant les défaites cuisantes d'une armée française qui sera souvent à la remorque du progrès mécanique au grand Dam d'un certain Charles. C'était encore un temps où l'esprit national brillait de mille feux. Un certain Nicolas Joseph Cugnot, ingénieur militaire de son état se met à l'ouvrage pour satisfaire la demande.

Notre génie fort peu civil est né en 1724. Il s'inspire d'un blésois ingénieux qui a vécu au siècle précédent du sien. Denis Papin lui a ouvert la voie pour que la nation entre par la grande porte dans l'histoire du progrès technique. Certain que la vapeur n'attend pas le nombre des damnés, son fardier sera le premier véhicule autonome (auto-mobile) de l'Histoire Universelle.

Le roi en personne a mis ses fonds propres (qui sont aussi ceux de tous) dans l'opération. En 1769, en dépit de quelques petits problèmes techniques, le premier essai est concluant avec une maquette au tiers qui ne pouvait répondre à la commande initiale. Les commanditaires, satisfaits, réclament la mise à l'œuvre du modèle grandeur nature. Cette fois, les sommes nécessaires sont exorbitantes mais qu'importe, quand on aime, on ne compte pas.

En 1770, c'est à Vanves que cette immense cocotte-minute se met en branle avec hélas, des petits problèmes de freinage. Un mur en fera les frais ce qui rassurera le roi Louis XV qui dira :

« Voilà une invention dont on ne pourra pas dire qu'elle ne casse pas de briques ! » Il ne croyait pas si bien dire. Il fallait bien essuyer les plâtres en commençant d'entrée par le premier accident automobile de l'histoire. La suite prouvera le potentiel de cette innovation en ce domaine.

Le terrible engin est remis en état l'année suivante. Il ne peut passer au contrôle technique puisque la structure n'a pas encore été mise en place. Hélas, le feu vert ne peut lui être donné pour une nouvelle tentative sur un terrain dégagé. Le bon Choiseul a perdu son portefeuille, ses petits protégés n'ont plus grâce aux yeux de son successeur. Le fardier devient un fardeau et un gouffre financier.

L'engin, mis à pied, sera remisé à l'Arsenal pour une retraite anticipée. C'est alors qu'il va être totalement oublié jusqu'à ce qu'un certain Bonaparte, ayant un penchant certain pour l'artillerie, redonne des idées à ses promoteurs. Hélas, le caporal se lance dans sa campagne d'Égypte et même si son secrétaire général lui souffle qu'il pourrait bien relancer ce projet mais hélas, celui qui se montera parfois plus perspicace, ne donnera pas suite, trop occupé sur le théâtre de sa gloire.

Le Fardier une nouvelle fois doit ronger son frein dans l'Arsenal ce qui démontre que l'imposant engin n'a pas retenu la leçon de son premier échec. En 1799, faute de susciter le moindre intérêt chez nos élites militaires et politiques, la première automobile de l'histoire va se trouver remisé au Conservatoire National des Arts et Métiers.

Il demeure encore visible à l'ancien prieuré de Saint-Martin-des-Champs, se morfondant et surtout déplorant d'avoir ainsi loupé le train de la gloire. Il est vrai que ce Fardier était lui-même un terrible fardeau. Ses dimensions avaient de quoi calmer bien des ardeurs pour des mécanicien du dimanche : 7,25 m de long et 2,19 m de large, des roues arrière de 1,23m de diamètre pour un poids de 2,8 tonnes à vide et de 8 tonnes en charge. Sa « marmite » : la cuve à eau du système de propulsion, mesure près de 1,5 m de diamètre.

La France avait perdu une belle occasion de se détacher des autres nations. L'automobile attendra encore un peu avant que de se répandre comme une traînée de poudre ... Mille fois hélas, le Fardier de Nicolas Joseph Cugnot avait fait long feu.

À contre-temps.

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article