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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Deux temps, trois mouvements

Mécompte à rebours.

 

 

Il advint, et c'est bien mieux ainsi, que ces deux-là ne se marièrent pas ; il n'en fut du reste jamais question, ne vécurent pas heureux, du moins pour l'une des deux et se séparèrent à grand fracas aussi vite qu'ils s'étaient rencontrés. Ils n'eurent fort heureusement pas d'enfant en dépit de ce qui se passa bien malencontreusement entre eux et qui fera bien plus tard, grand tapage dans le Landerneau médiatique. Il est vrai que tout se passa dans cette petite lucarne magique qui fait rêver les plus grands et provoque parfois bien des désagréments à qui se laisse prendre aux paillettes illusoires. Reprenons l'histoire par le bon bout, celle d'un temps qui se refuse à la prescription. Si la loi des humains a des failles, celle de l'écrit plonge parfois sa plume dans un vitriol indélébile.

Il était donc cette fois-là, un enchanteur, un prince de l'antenne, une étoile si peu filante, aimant à jouer indubitablement de sa baguette magique, la confondant vraisemblablement avec la traîne d'une comète flamboyante. Il attirait ses belles proies par la promesse d'un passage au paradis, non pas celui du septième ciel, qu’il ne leur fera jamais atteindre, mais plus précisément au passage à l'heure de la plus forte audience sur la chaîne de toutes les aliénations. La promesse était réelle, le prix à payer en restait secret.

Il ne faut pourtant pas être clerc pour y voir clair dans les intentions de ce Don Juan de pacotille. Il eut été aisé de deviner les mauvaises intentions de ce séducteur des œilletons, ce bellâtre du plateau, ce roi de l'audimat pour qui aurait eu un regard suspicieux en ce temps-là. Hélas, mille fois hélas, les belles naïves se laissant prendre dans les filets que leur tendait ce grand pêcheur en eaux troubles avec l'assentiment implicite de tous ceux qui savaient et se taisaient. Point n'est besoin d'avoir des appâts quand le leurre est aussi prometteur.

Le plateau n'était alors qu'un préliminaire, un grand moment de griserie pour que succombe la vedette d'un jour au but ultime de ses noirs desseins. Quelques minutes de célébrité pour un cauchemar vite expédié et des réminiscences toute une vie. La suite ne mérite surtout pas qu'on la narre, l'abjection se déroule dans le secret d'un bureau insipide, traquenard honteux pour piéger les Cendrillons de la notoriété. Elles furent nombreuses à passer à la casserole sans autre forme de remerciements qu'un abandon sous l'emprise.

Le temps passant, certaines trouvèrent humiliant le prix à payer pour cette exposition télévisuelle sans rapport avec la mise à nue qui suivait. Le silence, la honte, le dégoût de soi-même furent longtemps le rempart afin que cet ogre se déchaîne sans nulle inquiétude, des années durant. Puis vint le temps de l'expiation pour nombre de ses semblables, prédateurs indignes, usurpateurs de l'intimité, profiteurs éhontés d'une position dominante.

Le virtuose de la baguette magique passa à travers les gouttes et les scandales. Il était au firmament, son étoile ne pouvait déchoir. Ses victimes devaient ravaler leur rancune, avaler la pilule et surtout baisser la tête et garder le silence. Malheur à celles qui osaient dénoncer le monstre, elles se retrouvaient dans les tribunaux, flanquées qu'une accusation de diffamation pour prix de la vérité.

Toutes durent en rabattre, avaler l’humiliation sans jamais pouvoir obtenir réparation ou simplement reconnaissance publique des agissements de cette bête hideuse. Toutes ? Non ! Une de ces malheureuses se dressa contre la fatalité qui impose aux misérables de subir la loi des puissants. Elle n'emprunta pas le chemin de ses devancières ; les tribunaux sont si cléments pour ceux qui abusent de leur pouvoir. Elle allait mener la bataille dans le champ de la fiction.

Même si son histoire n'avait rien d'un conte de fée, elle songea que se travestir en Cendrillon pour démasquer ce Prince si peu charmant était sans doute préférable à la procédure judiciaire qui finit au mieux par un non-lieu et au pire par un retour de bâton scandaleux. Point de poudre de Perlimpinpin dans cette société pour transformer en crapaud équipé d'un bracelet électronique l'ignoble individu ou en un vulgaire goret offert à la vindicte populaire. Il fallait l'habiller pour le reste de ses jours, d'une peau d'âne, d'une face de loup cervier et d'une queue crochue.

Elle fit si bien que son récit mirifique fut reconnu par la critique, les confrères hypocrites qui jusqu'alors, se refusaient à montrer du doigt leur homologue ou bien simplement se monter solidaires de celles qui le dénonçaient. La vérité travestie lui ouvrait toutes les portes pour évoquer à demi-mot des crimes abjects, sans jamais nommer le sinistre personnage.

L'histoire fit grand bruit, elle mettait du poivre dans l'époque, ne manquait pas de sel et de tous les ingrédients qui en feront un succès. Elle trouva scénariste pour la mettre en image. Le dessin animé convenait mieux à sa mise en scène sans qu'il fût besoin de trouver un acteur pour personnaliser celui qui désormais était sur toutes les lèvres. Le conte pour régler les siens, la fiction pour soulager l'affliction, la farce pour transcender l'effroi, Cendrillon crevait ainsi le plafond de verre et s’en donnait à cœur joie de briser la réputation de son bourreau.

Sa consécration, son heure de gloire fut le passage dans ce maudit vingt heures, qu'elle avait pour son malheur, fréquenté des années plus tôt, alors qu'elle était jeune et désirable, innocente et fragile selon les critères tortueux de son tourmenteur. Elle jouissait véritablement de salir sur les lieux mêmes du crime, ce jouisseur pervers et solitaire qui devait sans doute la regarder dans sa demeure fort de l'immunité que confère la célébrité. Elle obtenait ainsi compensation morale à défaut de réparation judiciaire. À chacun son tour de prendre son pied au détriment de l'autre.

Le tribunal des hommes, ces vieux messieurs engoncés dans leurs robes noires, n'avait pas osé mettre en accusation le prédateur de l'antenne, le fornicateur des plateaux télé. L'Histoire se chargera de lui. Il sera tour à tour la bête, le méchant, le monstre et le diable. Toutes les fables ont besoin d'un anti-héros, les femmes pouvaient désormais s’en donner à cœur joie, le héros d'hier devenait désormais le personnage des ténèbres, la bête à abattre, le repoussoir absolu, l'ignoble personnifié.

Il est évident que l'épilogue du récit devait prendre de nouvelles formes tandis que le prologue peut continuer de vous sembler fallacieux. Ne nous y trompons pas, avec de telles turpitudes, la prudence élémentaire passe par des propos abscons, par le refus de l'implicite. Le conte quoique à rebours n'a pas le pouvoir d'effacer ce qui fut commis. Il se charge simplement de mettre un emplâtre sur la plaie faute de coller une prothèse en bois à celui à qui il convient définitivement de couper la chique.

Quand l'épilogue pour l'une devint le prologue pour l'autre, ce récit entra au catalogue d'un éditeur. Il est faux de tire que tout se raye d'un trait de plume, parfois bien au contraire, c'est ainsi que ça commence ...

« Il était une fois une jeune femme naïve, montant de sa Province à l'assaut de la Capitale. Fraîche, charmante et naïve, elle ne comptait pas sur ses beaux yeux pour se faire une place au soleil mais sur ce petit brin de talent, qu'elle entendait faire éclater, là où toutes les renommées se construisent.

La belle, que nous appellerons Cendrillon, n'y entendant rien aux contes de fée, était à la recherche de son Prince charmant. Forte de cette déplorable confusion, elle mit les pieds là où il ne convenait pas. Elle fit le siège d'un château mirifique, un lieu magique dans lequel se construisent les plus belles aventures. Il est vrai qu'un maçon en était le grand architecte.

C'est un enchanteur, favori du maître de séant, qui se chargea de lui agiter un merveilleux miroir aux alouettes. La pauvrette ignorait alors qu'elle allait s'y brûler les ailes. Elle fut prise en main par celui qui lui promettait de lui ouvrir toutes les portes par le truchement d'un passage dans son émission.

Elle crut au mirage agité sous ses yeux. Elle passa à l'antenne, quelques secondes, vision fugace, furtive qui ne laissera aucun souvenir aux téléspectateurs à l'exception de ses proches. La suite fut pour elle une descente aux enfers alors que le fourbe lui promettait le septième ciel. Elle mordit la pomme que ce serpent venimeux lui tendit sournoisement.

Elle s'endormit pour une longue période d’hébétement qui la fit retourner dans sa Province, n'attendant plus rien de la vie. Elle passa une vingtaine années dans un long et profond sommeil social, se contentant de survivre tout simplement, comme nombre de celles qui un jour, croisèrent elles aussi un de ces ogres dont les contes et les légendes n'ont, hélas, pas l'exclusivité.

Quand un cochon surgit tel un chevalier blanc. De son groin qui aimait à fouiller les remugles du passé, il fit émerger ce souvenir terrible qu'elle avait enfoui. Elle se souvint alors de ce rêve qui lui avait été volé avec grand fracas. Elle n'entra pas dans la danse des dénonciations et des plaintes sans suite. Elle prit la plume qu'elle arracha symboliquement à ce vieux coq dérisoire afin de la tremper dans une encre bien plus sympathique que ce Prince Navrant. »

Il sera une nouvelle fois, au nom de la loi.

À contre-écran

 

 

 

 

 

 

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L
Il y a eu en novembre dernier Impunité, le livre de la journaliste Hélène Devynck...<br /> Et Le Prince Noir, du journaliste Romain Verley, ce 8 février, ayant repris des témoignages de victimes sans leur autorisation.
Répondre
C
LH<br /> <br /> Ce qui n'interdit pas de penser à la culpabilité de cet individu