Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.
11 Mars 2023
Quand seul le pavé se marre...
Avec une queue de singe
Il advint que, las de manier la bourde, ce faiseur d'histoires, pensa sottement troquer la longue perche ferrée pour une langue affûtée pleine de verve et de facétie. Hélas, si la première permettait d'avancer à contre-courant, la seconde ne menait nulle part. Le trait d'esprit permet tout juste de remplir la grille des mots fléchés croisée en chemin. Ici, la cale en bourg demeure désespérément féminine tandis que la saillie n'enfante ni n'enchante dans une cité de culture.
Il convient de garder son sérieux, le rire surtout quand on en fait des tonnes ou des tonneaux, risque de vous voir taxer de mauvais caractère ou pire encore, de trublion, de tourmenteur des bourgeois de barrique. Si l'eau file des maux, elle se passe plus aisément de mots de travers, de ceux qui restent dans la gorge de leurs malheureuses victimes. C'est alors le retour à l'usage de la bourde sans avancer d'un pouce tout en ramant misérablement dans un océan d'indifférence.
Rire de toue qu'elle soit grasse ou sablière, est permis mais certes pas quand elles sont en cale sèche ou bien en pleine pétole. Le niveau ne monte guère quand le sens de l'humour est à l'étiage. Malheur à qui entend mettre son nez dans les affaires classées secret descente. Se laisser porter par la pensée dominante est conseillé tandis que souffler dans les bronches par un éclat de rire, dérive coupable, vous place au banc de nage des accusés.
Le mat de castagne ne supporte guère les coups de tabac, la toile se déchire quand la gorge est déployée et que le vent mauvais de la discorde fait tourner le moulin à paroles alors le girouet johannique grince dans la tempête. Garder le cap, c'est surtout tenir la barre pour ne jamais faire de remous et tenter de filer droit sans éclabousser les puissants.
Au pays du vin qui tourne vinaigre, des chiens qui aboient quand la caravane muletière passe, des dragons qui ne brûlent les doigts que des mécréants, le bûcher est réservé aux hérétiques à qui l'ont fait une scène bien loin de Rouen. Le sacré ici demeure parole d'évangile, nul blasphème à l'encontre d'une pucelle que seule la communication municipale peut déflorer voire déshonorer. Ne point faire la nique à la bergère où vous risquez d'être mis sur une voie de garage, celles du seigneur étant ici plus qu'ailleurs impénétrables et imperméables à la raillerie.
La Loire n'est pas la foire, il faut m'en croire. La parole doit rester canalisée en dépit des fuites et des manques de ressources d'un bief qui se vide dès les premières chaleurs. Le débit d'eau ne doit pas apporter du laid au moulin des guêpins. Le sérieux est de mise et gare à qui se pique de jouer la mouche du coche. Si le capitaine rit, la capitainerie se refuse à ouvrir les vannes. Le canal historique est à moins de deux lieues de là, on ne se gausse pas des falsifications de l'histoire.
Le prince sans rire monte sur ses grands chenaux, on lui doit la paternité d'un festival qui enfante plus de poncifs que de fantaisie. La farce, la bouffonnerie, la galéjade risquent de vous mettre aux fers, vieille tradition dans une cité qui devait sa fortune passée à un commerce à trois bandes où seuls les puissants se sucraient amplement. Ni le rouge ni le noir ne sont de mise quand il se trouve encore des adorateurs de la branche d'Orléans dans la place.
Le clergé absout bien des péchés sauf le crime de lèse héroïne. Il n'est pas permis de faire des enfants à la pucelle ni de lui chatouiller les arpions. Rire sous la côte de maille risquerait de faire sauter sa ceinture de chasteté. On ne plaisante pas avec ou à propos d'une demoiselle qui préfère se brûler que de rire ! On ne tourmente ni sa mémoire ni son défilé passé de mode.
L'humour sombre dans le ridicule d'une mégalomanie ambiante qui prend tout au pied de la dette : il faudra bien payer la comète qui rêvait abusivement de piste aux étoiles olympiques. La blague a tourné court, les seuls anneaux qui demeurent sont ceux qui amarrent les bateaux immobiles. Le vent n'est pas en poupe, à la rigueur en croupe pour faire tourner les pages et la petite Lorraine. Il convient de faire une croix éponyme sur cette vaine tentative d'insuffler de la fantaisie ici, un Val certes mais point des Monts...
À contre-courant
Tableaux de Messemin