Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Sur un tapis Persan

Aladdin ou le complexe d'Icare

 

 

Aladdin un jour voulut prendre ses ailes à son cou. Quoique bon génie, le pauvre diable s'aperçut juste avant de sauter dans le vide, que son enveloppe humaine lui interdisait de voler. Il chercha dans un vieux grimoire les conseils les plus avisés des sages de son temps afin de trouver solution à son problème. Le temps lui pressait, il était acculé par une horde de mauvais esprits tourmenteurs. Pour leur échapper, dans la fâcheuse posture qui était la sienne, seule la voie aérienne était possible.

La première suggestion ne manquait pas de pertinence. Le livre évoquait la possibilité de se lier d'amitié avec un oiseau et de louer ses services. Il était question d'une oie ou d'un aigle, deux voiliers susceptibles de l'emmener sur leur dos, pour sortir de ce guêpier dans lequel il s'était fourré. L'idée lui parut excellente quand il songea que la grippe aviaire sévissait dans tout le pays. Prendre ce risque sanitaire ne lui disait finalement rien qui vaille.

Il tourna la page à la recherche d'une autre possibilité. Il tomba, si j'ose dire, sur le fameux balai de bouleau de nos sorcières berrichonnes. Rechercher du boulot à son âge ne semblait guère raisonnable, il se sentait las. Cependant, s'il trouvait dans l'instant un bon balai, il serait d'attaque pour tenir le manche. Il s'enquit de la chose autour de lui. Hélas, le bouleau n'aime guère les pays chauds, il tombait de haut, sa quête semblait vaine.

Le conseil suivant exigeait un peu de travail, en aurait-il le temps ? Un certain Icare s'était jadis confectionné des ailes en se collant des plumes avec de la cire. Trouver un édredon rempli de duvet d'oie n'était pas chose impossible et le miel ne manquait pas dans la médina. Il se mit à l'ouvrage sans tarder, s'enduit de ce liquide collant et se roula dans le duvet. Il avait fière allure ainsi, recouvert de la tête aux pieds de ces plumes minuscules qui ne lui assurèrent aucune prise dans l'air. Il avait commis une grosse erreur d'appréciation.

Il n'avait guère le temps de se déplumer quoiqu'il ait vraiment le feu au derrière. Le danger était de plus en plus imminent. Il devait de toute urgence trouver un moyen de fuir par les airs. Il plongea dans son grimoire pour y découvrir que selon son auteur, le tapis, pourvu qu'il fût Persan et fabriqué à la main dans une laine vierge, était un excellent mode de propulsion aérien.

C'était là sa chance. Justement à deux pas de son promontoire, un tapis de belle facture, séchait là, étendu sur un fil à linge. Il s'en saisit, par chance, il était sec. Il le posa sur le sol, s'assit dessus en exprimant de toutes ses forces, son désir de fuir par les airs. Le tapis entendit son appel, s'éleva lentement au-dessus de la falaise et après avoir tourné en rond quelques instants, prit une direction pour filer loin du danger.

Aladdin n'avait jamais été aussi heureux. Non seulement, il échappait à ce terrifiant danger qui fondait sur lui mais qui plus est, il était subjugué par la beauté d'un paysage vu du ciel, grisé par le sentiment de toute puissance qui émanait de ce moyen de transport. Il envisageait même, puisque désormais, il pouvait aller où bon lui semble, se rendre aux Émirats Unis pour y fonder une compagnie aérienne spécialisée dans le tapis Persan.

Il s'imaginait riche, achetant déjà un club de football, soudoyant des députés et des présidents pour satisfaire ses caprices. Il se devinait en maître du monde, construisant des palaces et des tours gigantesques. Aladdin était pris du terrible vertige de l'altitude. Il voguait sur un nuage de béatitude…

Soudain le tapis connut des hoquets, des soubresauts, son vol connut de grosses turbulences. Aladdin en eut des hauts le cœur, des nausées. Puis ce fut le drame, une vrille, en chute livre. En bon Persan qu'il était, son tapis chut par la faute d'un formidable trou d'air. Ce fut la fin de ses espoirs de grandeur et de son existence. Il s'écrasa, ses restes s'éparpillèrent à des lieux à la ronde, furent dispersés au vent ou dévorés par les charognards et de lui finalement on ne découvrit que l'une de ses bottes noires.

De cette triste aventure, il faut retenir qu'il est indispensable de regarder la provenance de son tapis quand on veut se lancer dans pareille expédition. Les tapis de Chine ou d'Iran sont toujours préférables aux Persans. Quant aux rêves de richesse, ils plombent souvent vos espérances.

À contre-point

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
F
Bonjour le Bonimenteur,<br /> J’ai particulièrement aimè ton conte de ce matin..<br /> Léger ..si on pouvait se débarrasser de certains de cette manière !! Une idée à creuser ou plutôt à tisser..<br /> Belle journée à toi<br /> La sorcière du Forez
Répondre
C
Martine<br /> <br /> Il faut bien alléger les débats pour prendre de la hauteur <br /> <br /> Merci <br /> <br /> Bon dimanche