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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Le mystère du bateau chinois enfin levé

Reconversion d'un bateau

en cale sèche.

"Le cadeau empoissonné."

 

 

Il advint une fois qu'une ville moyenne des bords de Loire se rêvât d'un grand destin, espérant ainsi retrouver les fastes d'un passé glorieux qui sombra dans le déclin du commerce fluvial sur sa rivière. Nul ne peut reprocher pareille ambition, tant l'histoire est ici présente, vive et forte d'une épopée qui constitua en partie la France.

Pour redorer un blason terni par un long et incompréhensible déclin déclenché par l'arrivée du chemin de fer, poursuivi par le jacobinisme et accentué par le refus du TGV de passer dans cette cité, pourtant si importante dans l'histoire du réseau ferré, les édiles de l'époque se tournèrent vers l'Empire du milieu.

Une belle et noble idée au demeurant tant le réveil de ce vaste pays faisait trembler le vieux monde. Profiter de son dynamisme à travers un jumelage était une fort belle initiative qui demandait à se matérialiser par un acte fort, un symbole qui allait marquer les esprits chafouins qui ne manquent pas de dénigrer les efforts des élus.

Ce fut une fort belle jonque qui arriva par voie maritime pour trôner en majesté dans un port qui retrouvait ses couleurs d'antan. La belle embarcation arriva en grande pompe, non pas qu'elle prenait déjà l'eau, mais tout simplement parce qu'elle était la vedette incontestable d'un grand festival fluvial.

La mise à l'eau provoqua quelques sueurs froides, la jonque semblait manifester une allergie au courant de Loire. Ses rares sorties, réservées aux personnages illustres, faillirent envoyer nos dignitaires par le fond. La sagesse prévalut en haut lieu et le beau cadeau, rétif aux aléas du fleuve, trouva refuge dans le canal.

 

Hélas pour la jonque, le susdit ouvrage de génie n'avait pas été conçu par des ouvriers chinois. Des défaillances notables dans sa conception et sa réalisation le poussaient à ne pas garder assez d'eau pour permettre les évolutions d'un rafiot qui avait fort mal vécu son déclassement au point de ne pas sentir le vent venir quand il s'agissait de faire demi-tour au bout d'un bief qui ne mène nulle part.

Le port de la capitainerie se refusait donc au cadeau bientôt empoisonné à défaut d'être empoissonné. En catimini, le bateau chinois prit la poudre d'escampette pour aller cacher sa honte dans le secret d'un hangar. L'amitié entre les deux villes en prenait un sale coup, il fallait impérativement trouver une reconversion pour la jonque.

La première idée qui vient spontanément dans notre merveilleux pays dès qu'il s'agit de recycler astucieusement l'obsolescence consiste à placer ce qui ne sert plus à rien au centre d'un rond-point. Il y eut grand débat pour désigner le réceptacle digne de la jonque. Il convenait que l'endroit fût porteur d'un prestige digne de l'offrande.

Les services conseillèrent le vaste rond-point le plus proche de la Loire et du canal, juste au-dessus de son défunt port d'attache. Ce fut un enthousiasme général tant l'emplacement mettait en évidence le beau cadeau. Hélas, mille fois hélas, ce rond-point dispose d'une curieuse spécificité : sa circulation est régulée par des feux rouges. Nos amis chinois y verraient une détestable ironie. L'affaire tombait à l'eau.

Une suggestion étrange émana des responsables de l'équipe de basket locale. Reléguée en pro-B, cette formation qui se traîne en fin de classement a le redoutable privilège de devoir jouer dans un nouvel écrin parfaitement disproportionné : la CO'met et sa salle de 10 000 places. L'idée de placer au-dessus du parquet, en suspension, la jonque, comme un ex-voto porte bonheur, fut présentée à la délibération du conseil municipal.

Si la proposition enthousiasma le premier magistrat, amateur éclairé de ce jeu de panier, les services techniques émirent des réserves à cause des difficultés de réalisation. Faire de cette jonque un immense lustre aurait sans doute redoré les couleurs de l'OLB tout en mettant une épée de Damoclès au-dessus de sa tête, l'aventure des Panthères de Fleury restant encore dans toutes les mémoires.

L'opposition municipale qui est souvent sommée de se taire osa cependant une suggestion. La ville, malgré son passé historique se trouve bien en peine de faire venir à elle autant de touristes que ses voisines ligériennes qui ont conservé leur château. Ses élus proposèrent de créer un musée des moyens de transports oubliés en cours de route. Ils évoquèrent ainsi les chalands de Loire, les bateaux à vapeur, la jonque chinoise, l'aérotrain, le métro aérien suspendu de Châteauneuf, un train Orléans-Paris qui arrive à l'heure, un téléphérique en plaine…

C'est le dernier exemple qui provoqua le courroux d'un adjoint qui vit là une offense personnelle. La motion ne fut même pas mise aux voix tandis que la jonque restait une fois encore sans destination. Il fallait de toute urgence trouver un moyen de calmer les amis chinois qui trouvaient fort déplaisant, voire humiliant le peu de considération reçu par leur présent.

C'est alors qu'en fouillant dans les archives, il se trouva une influenceuse pour ressortir les écrits relatifs à ce bateau dans la blogosphère locale. Elle remarqua que des taquins, des aigrefins aimant à préserver l'esprit guépin qui fit jadis la réputation de la place avaient honteusement baptisé l'embarcation : l'aquarium.

Pour faire taire ses mauvaises langues, l'échevin fort de sa légendaire rouerie stratégique, décida de les prendre au mot. Après avoir confié la proposition à un célèbre et onéreux plasticien parisien – il est de notoriété publique que nul artiste local n'a le talent de ceux qui viennent de loin - il lui fut demandé d'aménager la chose afin d'en faire un vivier pour poisson de Loire au centre de la place éponyme.

L'interdiction formelle d'incorporer le moindre poisson rouge ayant été précisée sur le cahier des charges, l’artiste fit donc cette formidable réalisation pédagogique et esthétique pour la plus grande satisfaction de tous, y compris de nos amis chinois. C'est donc avec ferveur que fut inauguré le premier cadeau empoissonné de l'histoire des présents institutionnels. C'est fou ce qu'un « S » de plus peut mettre un terme à bien des déboires de Loire, aurait titré le journal local.

Ainsi s'achève la fabuleuse histoire du bateau Chinois pour le plus grand plaisir de tous les orléanais. Même la grande alose figura dans les poissons invités à la fête pour la plus grande satisfaction du cercle johannique.

À contre-emploi.

 

 

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J
"C'est alors qu'en fouillant dans les archives, il se trouva une influenceuse".<br /> Une influenceuse ou une bonimenteuse?
Répondre
C
Jean<br /> <br /> Je n'ai pas fait erreur<br /> une influenceuse qui eut la chance d'aller en Chine et de voyager sur ce bateau