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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Un mot pourtant si facile.

Magique et si simple.

 

 

 

Il advint qu'un enfant, abandonné à lui-même grandit comme un petit sauvageon, à l'écart des règles que l'on enseigne dans les familles. Pour subvenir à ses besoins, il avait recours à la rapine, au vol et parfois à la menace. Plus il grandissait, plus il semait la peur autour de lui, tant son regard était chargé d'une virulence qui vous glaçait les sangs.

Sa réputation tout comme ce regard terrible suffisaient souvent à faire céder ceux dont il convoitait un bien ou réclamait de l'argent. Il prit ainsi l'habitude de se servir ainsi, de réaliser ses besoins sans finalement avoir recours à la violence physique. Il était aussi craint que redouté, ce qui lui suffisait amplement, lui donnait un sentiment de supériorité sur les êtres faibles vers lesquels portaient ses mauvaises actions.

Notre méchant garçon avec prudence, se gardait bien de s'en prendre aux hommes dans la force de l'âge ni même à leurs enfants. Il avait l'art de repérer les proies faciles, les vieillards sans famille, les femmes seules. Il était devenu au fil du temps un prédateur des petites gens, une fripouille sans état d'âme ni honneur.

Bien sûr, sa situation n'était pas sans quelques désagréments. En tout premier lieu, il ne pouvait rester bien longtemps dans la même contrée. Ses malversations finissaient par se répandre alentour. Il lui fallait quitter les lieux avant qu'il ne tombe sous les coups d'une riposte organisée. Il avait jusque-là eu le nez assez fin pour sentir le vent tourner. Il prenait la poudre d'escampette avant que les choses ne se gâtent vraiment.

Cette fois, il avait jeté son dévolu sur une vieille femme qui manifestement n'avait pas de visite. La victime idéale, de celles qui ne se plaignent pas, avalent l'affront et ne parlent pas de ce qui leur est arrivé. Il avait repéré ses habitudes, savait comment et quand s'introduire chez elle sans éveiller le soupçon de voisins lointains et peu vigilants.

Sans vergogne, ce sale gamin força la porte de la vieille femme, une intrusion soudaine pour frapper l'esprit de sa victime. La peur est garante de la sidération, cette forme d'anéantissement de la possibilité de rébellion. Sans le moindre geste violent mais avec une fermeté glaçante, il demanda de l'argent. La malheureuse, tremblante de tout son corps, comme si elle était hypnotisée, lui donna ce qu'il exigeait.

Elle n'était pas bien riche, elle céda le peu qu'elle avait dans son porte-monnaie pour calmer cet intrus malveillant. L'autre, après avoir compté son maigre butin n'entendant pas en rester là, remarqua sur le bahut une grosse breloque manifestement en or qui devait avoir une petite valeur marchande. Il tendit la main vers le seul objet précieux de ce modeste intérieur et s'en empara.

La vieille eut une réaction de dépit bien plus forte que pour ses économies. C'était un souvenir de son défunt époux qui s'était montré héroïque durant l'épopée de l'Empereur. Elle eut un haut le cœur, le garnement lui arrachait quelque chose de si précieux à ses yeux, une valeur sentimentale qui n'a pas de prix.

Ne pouvant rien faire, elle voulut cependant que son tourmenteur eut un mot gentil, un mot que l'on prétend magique qui l'eut rasséréné ou pour le moins eut atténué son immense peine. Le méchant diable de ne pas comprendre ce qu'elle attendait de lui. Il est vrai que jamais il ne s'était confronté à pareille quémande. Une attitude qui échappait totalement à sa façon de faire. Il partit sans un mot, laissant derrière lui une femme en larmes.

Le temps passa, quelques jours de grande souffrance psychologique pour celle qui se sentait dépouillée de tout depuis que la médaille n'était plus à sa place d'honneur. Le portrait de son époux semblait même lui faire reproche de cette disparition. Elle ne pouvait le regarder sans sentir un immense sentiment de culpabilité.

Puis survint un coup de théâtre, une nouvelle visite que rien ne présageait puisque la pauvrette n'avait parlé à personne de ce qui lui était arrivé. Deux dignes représentants de la maréchaussée, portant fièrement un bicorne et arborant tous deux une moustache épaisse et de belle taille. Ils trainaient derrière eux le chenapan, menotté et bien peu faro cette fois. Les pandores l'avaient surpris à dérober des légumes dans un jardin.

Le voleur n'avait pu s'échapper, pris qu'il était à son propre piège, le jardin était cerné de hautes murailles et n'avait d'autre échappatoire que l'endroit où étaient postés les gendarmes. Il était fait comme un rat, la main dans le potager, ce qui ne donnerait lieu qu'à de modestes ennuis. Mais pour son malheur, la fouille mit à jour une breloque qui titilla l'un des deux représentants de l'ordre.

Le bon gendarme, enfant, avait voué une admiration sans borne pour ce héros de l'Empire qui aimait à lui narrer ses exploits tout en lui montrant une médaille remise par un maréchal célèbre. L'homme n’hésitât pas un seul instant et mena immédiatement son prisonnier auprès de la veuve de son héros passé.

La pauvre femme pleura toutes les larmes de son corps en revoyant sa chère médaille. Le gendarme lui demanda comment ce gibier de potence, ce sont ses propres termes, pouvait avoir en sa possession ce glorieux vestige. Avant qu'il ne réponde, la vieille qui n'avait pas pu avoir d'enfant, eut une réaction pour tenter de sauver le jeune homme.

C'est à lui qu'elle s'adressa : « Jeune homme vous m'avez quitté en oubliant le mot magique. Vous en souvenez-vous ? Je vous en avais fait reproche. Il suffit de vous rattraper pour vous épargner bien des déboires ! » Le vilain gredin n'y comprenait goutte. Que pouvait vouloir cette pauvre folle ? Qu'est-ce que ce mot magique par la grâce duquel il échapperait au pire ?

N'ayant jamais entendu pareille sornette, il garda le silence et son air butté. De longues secondes s'écoulèrent avant que faute d'avoir entendu ce mot qui eut tout changé, la veuve se décida à raconter ce qui s'était passé quelques jours plus tôt. Son récit fut scrupuleusement consigné par l'autre porteur de bicorne. Le sort du gamin était scellé, il irait compte tenu de son âge, découvrir les joies du bagne pour enfants.

Accablé par cette perspective le pauvre diable se tourna vers celle qu'il avait volé sans le moindre état d'âme. « Madame, quel est donc ce mot magique qui m'eut épargné un terrible châtiment ? J'avoue ne rien comprendre à ce que vous attendiez de moi ! ». Alors la vieille femme lui répondit tout simplement : « Un simple merci m'aurait suffi pour oublier ton larcin ! »

Voilà ce qui arriva à cet enfant de la rue à qui nul adulte n'avait enseigné les bonnes manières. Puissiez-vous, jeunes gens qui lisez cette aventure pitoyable, retenir la leçon et surtout ce mot qui d'après ceux qui en usent depuis toujours, n'écorche jamais la bouche et permet souvent de se tirer d'un mauvais pas.

À contre-forfait.

 

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