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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Complice malgré moi

Une arrête dans la gorge

 

 

Il arrive souvent que nous contribuions malgré nous à cette folie ambiante qui nous conduit dans l'abîme. Nous ne sommes jamais assez vigilants lorsque nous consommons un produit, ouvrant alors les portes de l’inacceptable. Sans que nous en soyons responsable, cette société folle nous entraîne dans sa ronde délirante, nous poussant à accepter ce que nulle génération avant nous n'aurait toléré.

Je bats ma coulpe, je bois le calice jusqu'à la lie. J'ai renoncé contre mon plein gré à tous mes principes, à ce que je tentais désespérément de me fixer comme ligne de conduite. J'ai poussé le bouchon trop loin tombant à mon insu dans les mailles d'un consumérisme délirant. J'ai mordu à l'hameçon d'une carte avenante, d'une promesse illusoire de poisson de Loire.

Il me semblait que la présence d'une friture de la rivière entraînait dans le même mouvement une garantie de bon aloi, une certitude que toute la marchandise fut du même tonneau. Les yeux fermés, la gueule gourmande, la fierté ligérienne en bandoulière, j'ai commandé un filet de sandre pour assouvir mon appétit et ma volonté de consommer local.

Les végétariens à juste titre m'auraient tancé pour cette prétention scandaleuse. Il n'est pas aisé de se départir d'une culture ancestrale où la table et l'appétit du prédateur suppose de sacrifier des animaux. Je fais pourtant des efforts pour réduire ce terrible penchant, ce déplorable travers qui est un héritage atavique, une trace de l'histoire de l'humanité. Ne me jetez pas la pierre, je suis conscient de ma faute et tente vainement de m'amender…

Mais cette fois, j'ai bu le calice jusqu'à la lie. Ma commande, mon désir, mon caprice ont tourné en queue de poisson, insultant la crise énergétique, faussant les cartes de la nécessaire rigueur énergétique. J'ai contribué bien malgré moi à la gabegie universelle, à la folie du consumérisme galopant.

Poussé par mon désir de faire honneur à ma chère rivière, sans me soucier de m'informer plus avant de la réalité de la chose, après la véritable friture de Loire, je m'hasardais à réclamer un sandre au beurre blanc, une référence tout autant qu'un incontournable de la gastronomie de ce territoire dont j'aime tant chanter les saveurs et les histoires.

Bien mal m'en prit. J'en ai encore une arrête coincée dans la gorge. Je me dois de me confesser dans l'instant, d'avouer ma forfaiture et mon ignominie bien que j'en fusse la victime innocente, le complice bien malgré lui. Je contribuais à mon tour à la valse du carbone, au délire du transport et sans aucun doute au réchauffement climatique.

Je ne sais du reste si mon filet mérite cet entre-filet tant la honte me submerge. Je ne peux digérer ma forfaiture, avaler ma honteuse faiblesse. J'ai mangé un filet d'un sandre qui a traversé l'Atlantique, venant du Canada sans qu'il me soit possible d'avaler que le gentil poisson a fait le chemin tout seul.

On m'a trompé, m'a roulé dans la farine. J'ai cru bien trop naïvement qu'il était de chez nous. Désormais il me faut vivre avec cette extravagance qui me donne en toute logique de l'aérophagie. Mon poisson a pris l'avion pour venir dans mon assiette, j'ai contribué à mon insu à ce délire qui nous mène à notre perte.

Que faire désormais ? Exiger sur la carte des restaurants la provenance des produits ? Renoncer à manger des produits issus du vivant ? Je sais par expérience que même les têtes d'ail sont capables de venir d'Argentine pour venir embaumer nos haleines. Plus rien n'est raisonnable dans ce monde qui court à sa perte.

À contre-filet.

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J
"le gaz part". Un gaspard est un rat en argot.
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C
Jean <br /> <br /> Je sais et j'ai écrit un billet à ce propos
J
Ont-ils réduit le temps de cuisson? Les propositions de l'UE pour réduire les factures d'énergie!
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C
Jean<br /> <br /> Il est question de rendre obligatoire le sushi, le carpaccio et le tartare <br /> Plus de cuisson, le gaz part y compris pour agrémenter les rats qui vont revenir au menu comme lors de chaque disette