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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Délivrance.

Sot en auteur.

 

 

 

Si la plume me démange, il ne fait pas bon cependant me prendre à rebrousse-poil quand il s'agit de tourner la page. Le risque est grand d'une prise de bec à propos d'une coquille ou bien d'une faute d'impression. N'ayant jamais eu de plomb dans la tête, faire étalage de ma prose pour en tirer argent : content ou désenchanté. Les expériences se suivent et se ressemblent, le bouffon n'est pas crédible dans le rôle du marchand livresque, tentant vainement de distribuer ses ouvrages. Seule la dédicace me réjouit, malheureusement pour remplir ma page d'écriture personnifiée, il me faudrait au préalable, vanter la marchandise, ce qui est au-dessus de mes forces et de mes appétences.

Devant cette quadrature du cercle littéraire, si je ne renonce pas à éditer à compte d'auteur mes agitations littéraires, je me refuse désormais à chercher à vendre le fruit de mes macérations et de mes circonlocutions. Être jugé sur ma bonne mine de crayon pour attirer le chaland et lui proposer un imprimé me semble parfaitement contradictoire. Nous avons depuis longtemps dépassé l'époque du manuscrit ou de l'incunable.

Mes livres existeront sans figurer dans les boutiques, bibliothèques ou salons littéraires. Je ne suis pas un pot de fleurs pour attirer la curiosité d'un lecteur éventuel. Me dessécher des heures durant derrière l'étalage de ma production n'est pas de mon goût. D'ailleurs, je ne cherche même plus à réimprimer les titres aussi épuisés que leur géniteur. Ils continueront leur chemin dans la clandestinité et une extrême discrétion, c'est tout le mal que je leur souhaite.

N'étant au final qu'un sot en auteur ou plus exactement un imbécile singeant l'écrit vain, je ne vois qu'une manière de franchir l'obstacle pour retomber sur mes pieds dans le bac à sable : la technique du ciseau. Je ne risque pas de cette manière d'atteindre les sommets mais bien plus de tendre l'élastique au risque qu'il finisse par me revenir en pleine farce. Pour d'autres, ce fameux ciseau serait celui de la censure, comme celle dont usent les libraires qui refusent de commander mes précédents opuscules ou bien les baveux qui ne prennent pas la peine d'en faire l'article dans leur canard.

Ne cherchant plus la tête de gondole puisque depuis mes trois derniers livres j'ai renoncé à la grande distribution, je préfère en bon navigateur à la rame, me laisser couler dans le marbre et l'indifférence. Je ne jetterai plus l'ancre par le hublot pas plus que la bouteille à l'amer. J'en ai trop souffert de ses stupides rancunes et rancœurs parce qu'une connaissance refuse de m'acheter un exemplaire ou parce que cet autre prétend que je lui ai forcé la main. Je me délivre du livre comme objet de commerce, de transaction et de promotion. Chacun agira comme il l'entend à défaut de le lire, la transaction littéraire devenant le farfadet de mes soucis.

Un prochain ouvrage est en préparation. Il sortira en catimini, s'épargnera le ridicule des refus, des ricanements ou des rejets. Il ne se proposera qu'à ceux qui le réclameront sans que je leur serine ses mérites supposés ou exagérés. Une impression homéopathique facilitera l'écoulement de rares exemplaires sans que nul média ne soit importuné par un auteur en mal de promotion. Les bibliothèques en ignoreront l'existence ce qui ne changera guère des précédents.

Pour être vendu, il faut un nom, une particule, un entête d'écran ou de placard publicitaire. N'ayant couché avec aucun ministre ni aucune célébrité, ne disposant pas d'un casier judiciaire ou d'un compte en Suisse, je ne vois pas comment espérer ne serait-ce que le stade du succès d'estime ; cette curieuse arène où le tout à l'ego s'impose tandis que les coups bas y sont légion. Auteur sans diffusion, voilà un rôle qui me sied à merveille, l'art du contre-pied de page en somme pour continuer à écrire sans me prendre les ouvrages dans les rayons. Que ceux qui auraient par inadvertance l'une de mes précédentes productions, la détruise sans sommation afin de n'être pas importunés par les amateurs de rareté ou la range dans un coffre pour un espoir de spéculation à très très long terme. Merci !

À contre-point final

 

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