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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Dans le mille

Plus un

 

 

 

 

Un mille-pattes rencontrant un mille-feuille voulut, ça de soi, le faire marcher. La chose eut été envisageable si la pâtisserie ne s'était pas froissée. Devant la contrariété soudaine de la patte feuilletée mêlée de crème pâtissière et de sucre glace, l'animal jugea de manière fort abrupte que son presque homologue en tenait une couche.

Le gâteau battit froid celui qui voulait aller de l'avant. Il convenait de trouver une astuce pour éteindre une querelle qui pouvait tourner au drame. Le mille-pattes, bon prince offrit un bouquet de mille-pertuis à son homologue, pensant qu'il est préférable de se dédire avec des fleurs. La gourmandise en fut toute retournée.

La crème saisit l'occasion pour filer à l'anglaise. Elle se sentait à l'étroit entre toutes ses couches et surtout ce sucre qui lui glaçait les sangs. Craignant la bavure, le mille-pattes fit appel à la légion pour remettre dans le droit chemin la crème récalcitrante. Il fallait au plus vite canaliser la fugueuse, lui donner l'occasion de sauver la face sans se déjuger.

De son vrai nom, scolopendre, l'animal pour rétablir le lien avoua sa forfanterie. Il n'avait nullement mille pattes. La vantardise était véritablement trop grosse pour celui qui devait se contenter de quarante-deux misérables paires de pattes. Le gâteau à son tour de reconnaître qu'il en avait gros lui aussi sur l'estomac et bien qu'ayant plus d'un tour dans son dessert, mille était un nombre parfaitement fantaisiste.

 

C'est alors que s'insinua dans la conversation un milan oiseau de beau plumage qui se vanta d'avoir fourni la plume qui permit d'écrire les contes des mille et une nuits. Voilà de quoi clouer le bec aux deux protagonistes d'une vaine querelle puisque lui ajoutait une unité au nombre qui faisait débat jusqu'à présent.

Loin de calmer la controverse, l'oiseau apporta de l'eau au moulin de ces deux adversaires. Prétendre apporter la concorde en prenant le dessus avec une unité supplémentaire qui semait la zizanie là où la paix des braves avait été acquise, quelle prétention ! Le mille-pattes envoya bouler le milan tandis que le mille-feuille lui envoya une tarte à la crème. L'oiseau prit ses ailes à son cou pour fuir cette maison de fou

Voulant connaître le fin mot de l'histoire, les deux nouveaux amis restés comme deux ronds de flan devant la fuite aérienne de l'indélicat voulurent partir à sa poursuite. Mais comment faire quand on est habitué à faire tapisserie sur le plancher des vaches. Le mille-feuille qui avait de la culture, habitué qu'il était à la fréquentation des bibliothèques, suggéra au mille-pattes d'enfourcher un tapis pour partir à la poursuite de l'oiseau.

Tous deux choisirent un magnifique ouvrage fait par les plus grands artistes venus de Perse. Fidèle à la tradition, l'objet s'envola à leur demande et fila bon train pour rejoindre le volatile. Les deux amis, grisés par cette expérience, totalement nouvelle pour eux, avaient des étoiles pleins les yeux. La nuit les avait surpris, ils ne s'en inquiétaient guère.

Mal leur en prit car le vol cessa soudain d'être un long périple tranquille. Leur engin connut des hoquets, perdit de l'altitude, s'effilocha sans crier gare et ce fut soudain la chute brutale. En bon tapis persan, il venait de subir un terrible trou d'air qui fut fatal à l'expédition. En deux temps trois mouvements, la chute-livre fut irrémédiable. Le mille-feuille et le mille-pattes s'écrasèrent au sol et s'éparpillèrent en mille morceaux. Ils ne surent jamais la fin de l'histoire tandis que le milan se posa sur l'épaule de Shéhérazade, sa chère maîtresse.

À contre-emploi.

 

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