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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Quand la bise sera venue

Déchantez maintenant

 

 

 

Les cigales s'en donnaient jusque-là à cœur joie. Elles chantaient ou plus précisément faisaient grand vacarme, ne vous en déplaise, se payant le luxe d'aller de part ce vaste monde, faire leur vocalise le temps d'un petit séjour, indifférentes aux menaces des criquets, aux dévastations des grillons, aux ravages de tous les cloportes, cafards et autres vermines de la création.

Les cigales jouissaient sans trêve ni repos, imposant sans honte leur mélodie d'un bonheur factice alors qu'autour d'elles, la misère, la famine, des conflits armés et des drames multiples, climatiques, religieux, politiques auraient dû logiquement leur couper un tant soit peu le sifflet. Il faut bien reconnaître que l'animal ne chante pas, n'en déplaise à monsieur de La Fontaine, mais joue de la cymbale en se frottant le ventre ; comportement habituel chez le repus de tout poil.

C'est le mâle qui en l'espèce, fait vibrer son abdomen tandis que son ventre sert de caisse de résonance. La métaphore avec nos pratiques d'occidentaux repus et richissimes s’arrête là car dans la nature, le ventre des cigales mâles est presque vide, ce qui lui permet de résonner si fort. C'est ainsi qu'ils font leur cour pour séduire les femelles, attirées non par ce qui brille mais parce qui fait grand tapage.

À l'inverse, ce sont des ventres pleins et proéminents qui traversaient jusque-là la planète en coup de vent pour se gaver davantage. Sans le moindre raisonnement, leur bruyante parade indispose tant, qu'il n'est pas surprenant que la haine se propage en retour. Ainsi, la séduction devient répulsion alors même qu'il n'est plus question de passion chez des individus qui pensent que tout s'achète, même l'amour.

La bise va souffler tout ça. Ce que la pandémie n'avait fait que mettre en suspens, l'espace d'une sidération momentanée, le vent glacial va s'en charger. Il va interrompre la course folle des cigales humaines, leur rappelant que tout ceci ne pouvait durer. Aller de par le monde pour se réfugier dans des hôtels de luxe avec tout le confort qui n'existe pas à leur périphérie, afin de faire comme à la maison, ça n'a aucun sens.

Une bonne tempête soufflera les bougies. Les temps obscurs se profilent pour punir cette frénésie honteuse, odieuse, indigne. Tous les avertissements, toutes les mises en garde n'ont pas touché les consciences des cigales. Elles se sont multipliées, se répandant de par le vaste monde qui en bateau, qui en auto, qui en avion tandis que les plus vaniteuses visent désormais la Lune pour s'offrir d'autres sensations.

Les cymbales vont cesser de résonner. Le tonnerre et le feu vont semer la désolation pour mettre à la raison les cigales occidentales. Cette bise-là ne réjouira pas les fourmis, elles seront elles aussi balayées par la vague déferlante de la haine, de la peur, de l'effroi. Il n'est pas besoin de déterminer les ressorts de ce fléau qui se prépare, il est le fruit de l'insupportable gabegie d'une société occidentale de la dépravation absolue des mœurs, des richesses, des valeurs.

La danse qui s'annonce sera une danse de Saint Guy, une folle et pathétique course à la survie. Les cigales se pensant à l'abri, ayant depuis longtemps assuré leurs arrières dans des îles paradisiaques, des résidences coupées du monde des gueux, des forteresses antiatomiques. Ils coucheront sur un matelas d'or jusqu'à que des fourmis rouges de colère ne viennent les entraîner, elles aussi dans la spirale infernale dont elles furent les initiatrices.

La danse macabre se profile à l'horizon sans oraison funèbre ni requiem, sans eulogie emphatique ni émissions spéciales. Ce sera le sauve qui peut, le chacun pour soi et cette fois, la fortune ne sera que de peu d'utilité une fois que toutes les règles, toutes les lois, toutes les protections tomberont elles aussi. Les cigales comme toutes les autres créatures brûleront dans le feu de l'enfer nucléaire, celui-là même avec lequel elles envisagent de poursuivre leur folle aventure consumériste !

À contre-temps

 

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