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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Le chanteur de Loire.

Parabole pour un Festival.

 

 

Photographie de Anne Sophie

 

Il était une fois sur les bords de notre Loire un homme simple qui allait à pied de village en village, Il partageait la vie de tous ceux qui vivaient sur et au bord de la rivière. Tous le connaissaient et quand ils le croisaient sur leur chemin, c'était jour de fête pour chacun. Ils laissaient un temps leur travail et goûtaient au bonheur simple de ses chansons. Pourtant sitôt finis ses couplets, notre homme était incapable de parler à ses semblables, affublé qu'il était d'un terrible défaut de langue...

Et pourtant, de tous, Archimède, puisque tel était son nom, était aimé et respecté. Lui, il avait une certaine préférence pour les trimardiers de Loire. Ces gars qui retournaient à Roanne, humbles mariniers au fil du courant et qui une fois à Nantes, vendaient leur bateau et retournaient chez eux par le chemin à l'envers sur leurs sabiots de bois. Archimède aimait à se retrouver parmi ces gens simples et courageux. Lui qui n'était pas en mesure de partager la rude tâche du halage, se contentait d'accompagner leurs efforts par de très belles chansons qui leur redonnaient force et ardeur..

Il aimait encore retrouver tous les marins dans les tavernes. Quand il arrivait, le silence se faisait, les chopines cessaient de se vider. Les grandes gueules, les soiffards, les querelleurs et les mesquins (car il y en a toujours dans une communauté humaine) attendaient les premières notes pour reprendre en chœur les chants du musicien. La soirée pouvait durer jusqu'au bout de la nuit, fatigues et conflits s'envolaient avec les notes du magicien.

Sur la berge, Archimède ne détournait pas le regard quand des hommes et des femmes effectuaient les rudes travaux des champs. Que les culs-terreux fussent l'objet des moqueries des gars qui vont sur l'eau, lui s'en moquait totalement. Eux aussi avaient des oreilles et une gorge pour se retrouver derrière un refrain qui va bien. Archimède changeait son répertoire, il chantait les moulins qui tournent et les blés qu'on fauche, les troupeaux qu'on conduit et la terre qui résiste. Là encore, par la grâce de ses chansons, l'effort était moins pénible pour ceux qui trimaient sous le joug.

Plus loin, Archimède s'arrêtait dans les ports. Il y avait là des gros bras qui chargeaient et déchargeaient de bien lourds fardeaux. Besogneux méprisés, gagne-misère, ils avaient droit eux aussi aux mélodies du chanteur des travailleurs. Cette fois, il fallait des chansons à beugler, des ripournes qui vous donnent du courage et de l'énergie. Puis quand le déchargement était fait, le chanteur savait les conduire sur d'autres airs, des mélodies douces et sérieuses qui touchaient l'âme de ces braves gars. Il avait le talent de rendre les gens heureux, c'était un souffleur de vent !

Archimède aimait encore retrouver ses amis les bergers car le long de la Loire, paissaient des troupeaux pour entretenir les berges et donner bonne viande pour les jours de fête. Cette fois, sa mandoline se mêlait au flûtiau et des chansons à vous tirer les larmes, soufflaient sur la rivière. C'était des moments d'une rare quiétude et bien des bateaux s'arrêtaient alors ; l'équipage se posait à distance pour ne pas briser la douceur du moment … Archimède redonnait un peu de sens à la vie, tout en prenant chacun par le bout du cœur.

Ne refusant jamais l'offrande d'une chanson quand la requête émanait d'un cœur pur ou simple, Archimède faisait à rebours toujours la sourde oreille quand un valet ou un coursier venait réclamer ses services pour le bon plaisir d'un nobliau ou des gros bourgeoisiaux du bourg. Il repoussait la demande sans même avoir offert auparavant une belle chanson à celui qui avait été mandé pour obtenir ses services. Archimède n'était pas à vendre, sa liberté n'avait pas de prix.

La vie allait ainsi son train et ses refrains. Archimède vivait de l'air du temps, de la générosité de tous et n'était jamais sans invitation à partager la pitance et le toit. Il passait, sans jamais arrêter sa longue marche de Roanne à Nantes , d'une rive à l'aller, à l'autre au retour. Ses passages ponctuaient les années. Deux fois l'an , chacun avait droit à la visite magnifique de celui qui rendait joyeux les regards.

Mais il vint un jour où tout menaça de se briser. Un puissant, courroucé de n'avoir jamais pu s'approprier pour lui seul ce mystérieux chanteur, fit appeler les gens d'armes pour le mettre aux arrêts. Il prétexta un larcin, un vol mystérieux et néanmoins considérable dans sa demeure où le bonhomme était prétendument passé. « Il mérite sûrement les galères » hurlait ce vil accusateur. Le juge de paix allait lui régler son affaire avant la fin de la journée.

Dans la localité où eut lieu cette mascarade, les gens redoutaient tant le méchant que personne, malgré le passé et les souvenirs heureux n'osa se dresser face à ce déni de justice. Archimède était au violon et se morfondait d'autant plus qu'on lui avait pris sa mandoline, sa fidèle compagne ! Il n'avait pas les mots pour se défendre. Ce n'est qu'en chantant que les idées lui venaient. La parole se dérobait à celui qui savait tant de chansons par le cœur.

Son affaire allait être vite expédiée et jamais plus on n'entendrait sur les bords de la rivière, le gentil trouvère. C'était maintenant le moment de sa plaidoirie. Archimède bégayait , cherchant ses mots en vain. Il allait être condamné à cause de cet odieux mensonge sans pouvoir justifier de sa bonne foi. Toux ceux qui assistaient à ce triste spectacle avaient honte d'eux-mêmes, de leur lâcheté et de leur impuissance.

Soudain dans le prétoire, un enfant se mit à siffler et tous les adultes comprirent son intention. Chacun reprit un air qu'ils avaient tous entendu de la voix de Archimède. Le juge étonné n'eut pas le temps de mettre un terme à cette étrange manifestation harmonieuse qui permit à Archimède de retrouver sur le champ sa verve et sa confiance. C'est en chantant qu'il se fit entendre et il composa une si belle défense que le juge le libéra dans l'instant. Le méchant homme sortit de la salle sous les huées et la vie reprit son cours le long de notre Loire.

Si les mots vous manquent, il y a toujours une belle chanson pour faire passer un message, prendre votre défense ou dire des mots d'amour. Retenez ce conseil simple de cette petite fable qui j'espère vous aura enchantés.

 

Le chanteur muet

 

Il était un petit homme

Qui ne savait pas parler

Quand il s'exprimait en somme

Il ne pouvait que chanter

 

Il allait sur les chemins

Sur les rives de la Loire

Nous offrant quelques refrains

Pour que nous gardions l'espoir

 

Il aimait les pauv'es peineux

Les travailleurs ordinaires

Il enchantait tous ces gueux

De ses agréables' airs

 

Quand arrivait le chanteur

Dans tous les coins du pays

Chacun laissait son labeur

Et oubliait ses soucis

 

Tous lui reprenaient en chœur

Ses merveilleuses chansons

La vie est parfois meilleure

Quand on est au diapason

 

C'est ainsi qu'à son passage

Cessaient conflits et querelles

Celui qui est du voyage

Te rendra la vie plus belle

 

Il se trouva un puissant

Qui souhaitait l'enfermer

Car il voulait que ses chants

Cessent de nous libérer

 

Le chanteur devint muet

Comme l'oiseau dans sa cage

On ne peut emprisonner

Celui qui est du voyage

 

Quand le peuple tout entier

Dans un grand esprit de fronde

Hurla un puissant couplet

Afin que la muraille tombe

 

Le château fut mis à bas

Le prisonnier sans façon

Retrouvant enfin sa voix

Entonna cette chanson

 

La morale de cette histoire :

On ne peut mettre en prison

Celui dont on aime croire

Les idées et les chansons

 

Il était un petit homme

Qui ne savait pas parler

Pour nous accorder en somme

L'amour de la liberté

 

 

Musicalement sien.

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L
Bonjour nabum,<br /> J'ai toujours dit que l'enregistrement vocal est la plus belle des inventions... J'aurais bien aimé entendre les psaumes de David, ou les chansons de votre Archimède.
Répondre
C
LH<br /> <br /> Il n'y a aucun trace