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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

L'art du protocole.

Gloire à ces virtuoses de l'inutile.

 

 

Dans l'ordre protocolaire, désormais derrière le ban et l'arrière-ban du gouvernement, surgissent les protocolographes, une nouvelle profession, sorte de génération spontanée née de la pandémie. Ils sont une forme de synthèse entre le rédacteur des alinéas d'un projet de loi et les membres de la cellule capillotractée des xylogues distingués.

Leur art consiste à noyer le poisson de telle sorte qu'une poule ne trouverait pas ses petits dans le maquis des règles qu'ils établissent dans l'urgence d'une crise qui suppose d'établir des règles différentes au fur et à mesure de l'évolution de la capacité d'adaptation de ceux à qui sont destinés des consignes qui se veulent évolutives, absconses, inapplicables et absurdes.

Non seulement le Protocolographe doit inventer des règles ubuesques mais de plus, il doit les encadrer par des mesures, des jauges, des données chiffrées, des critères qui interdisent tout espoir de rendre réalisable l'ensemble des principes exposés dans un document d'une épaisseur considérable. Car en premier lieu, ces artistes de la circonlocution réglementaire sont payés à la ligne, ce qui les pousse à tirer à la ligne dans un souci de complexité qui atteint au sublime. Plus c'est long plus c'est bon pour des personnages qui n'ont jamais le souci de la faisabilité de leurs injonctions. Un bon protocole est un protocole si complexe que le premier réflexe de celui à qui il est destiné est de renoncer à le mettre en place.

C'est ainsi que le protocole remplit pleinement son véritable office : « Couvrir le Pouvoir en place en rendant strictement impossible l'application de ses recommandations. » Alors, me direz-vous, pourquoi tant d'efforts aussi vains que dérisoires ? Justement pour mettre sur le dos de subalternes, de responsables des niveaux inférieurs la responsabilité des éventuelles problèmes, fautes ou contaminations futures.

Le protocole n'a rien à voir avec le mode d'emploi d'un appareil électronique même s'il en a la longueur, une langue inaccessible au commun des mortels et une complexité de nature à décourager le lecteur. Du reste les meilleurs protocolographes sont tous des transfuges des rédacteurs de ces opuscules techniques.

Il y a cependant une différence de taille. Ils ne cherchent pas à se faire comprendre de quelques initiés hautement qualifiés qui constituent malgré tout une petite partie des lecteurs de leurs homologues de l'industrie. Pour eux, aucune obligation de clarté. Personne ne viendra jamais leur chercher des poils aux œufs ni même tenter de décrypter leur salmigondis. Ils sont à l'abri du risque de trouver un tatillon capable d'analyser point par point leurs directives.

Les protocolophiles rédigent des milliers de règles, nées d'une imagination fertile en parfait apesanteur. Elles sont toutes interchangeables tout autant qu'irréalistes et applicables dans n'importe quelle structure. Elles sont regroupées au hasard lors d'un processus totalement aléatoire qui tient plus de la roulette russe que du casino. Il n'y a rien à gagner à ce petit jeu même pas l'espoir d'un prix littéraire.

Ces individus méritent bien de la nation car leur travail suppose un effort surhumain. Ils sont en effet contraints d'assister à toutes les séances des comités d'experts tout en faisant semblant de prendre en note les extravagances issues de ces professionnels de la réunion. Charge à eux de tirer la quintessence de leurs propos, ou du moins de leur laisser penser.

De toutes manières du ministre au président, de l'expert au membre du conseil de défense, personne n'ira jamais s'aventurer dans l'examen d'un protocole en bonnet d'uniforme. Les protocolistes sont libres d'empoisonner l'existence des citoyens sans devoir rendre le moindre compte à quiconque. Ce sont des virtuoses de l'inutile au service de la plus totale vacuité. Ils méritent bien d'être ici mis à l'honneur, eux qui sévissent dans l'ombre depuis bientôt 18 mois.

Admirativement leur.

Un protocologue se lavant les mains

 

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