Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.
1 Juillet 2021
Les géants aux pieds d'argile.
Ils sont à l'égal des dieux d'antan. Ils tutoient les anges, les médias leur tressent des couronnes de lauriers, la foule en fait des idoles tandis que l'argent coule à flot dans ces jeunes mains qui ne savent rien de la vie. Ils vivent dans une bulle, totalement coupés de la réalité mais pourtant c'est vers eux que se tournent les micros ou les regards afin de devenir des modèles, des exemples, des guides pour la jeunesse mais pas seulement…
Dans les rues, leurs noms sont portés en effigie sur le dos d'adorateurs prêts à se prosterner pour un jour, avoir le privilège d'être sur un cliché avec leur maître. Ils sont ainsi sollicités, harcelés de toutes parts par des fidèles qui seront capables, du jour au lendemain, de brûler l'icône pour lui substituer la nouvelle étoile filante.
Ils ne sont pas préparés à cette folie collective, à cette déraison des médias, à cette exposition aussi absurde qu'ahurissante. Pire même, ils sont entourés de requins parfois issus de leur propre famille qui ne voient dans la réussite de l'heure que l'occasion inespérée de faire fortune. Alors, ces dieux de pacotille ne disposent d'aucun garde-fou, ils sont jetés en pâture dans ce théâtre médiatique dont ils ne connaissent ni ne comprennent les règles.
Personne ne les met en garde. Ils servent à ceux qui les exploitent de paravent à l'extraordinaire injustice d'une société fondée non plus sur le mérite mais la naissance, l'argent et dans leur cas, des talents dérisoires. Ils sont la caution d'un système qui grâce à eux, trouve la démonstration que chacun peut gagner son coin de Paradis : la fortune.
Tout comme les jeux d'argent aux gains phénoménaux, ils ne sont là que pour dire aux multitudes de la misère que oui, c'est possible, chacun de vous peut réussir et atteindre ce Graal que constitue la fortune, seul repère d'une époque qui manque cruellement de valeurs. C'est ainsi qu'ils distillent insidieusement un terrifiant venin chez les plus jeunes, leur laissant croire que par un simple claquement de doigt, ils peuvent trouver place sur les toits du monde.
Les gamins, ainsi conditionnés, sont persuadés que l'école, les études ne sont pas la voie idoine pour réaliser le seul rêve que les écrans publicitaires, les films et les séries leur ont enseigné : « la richesse est la seule voie au bonheur ! ». Un bonheur purement matériel qui justement s'exprime au travers des voitures de luxe, des villas monumentales de nos idoles aux pieds d'argile. La boucle est bouclée, le peuple a des modèles qui ne sont que l'arbre qui cache la forêt des inégalités, des magouilles, des abus, de la misère et de l'exploitation.
Les idéologies sont mortes, seul le culte des dieux du stade et parfois de la scène, permet de maintenir la domination d'une minorité sur le plus grand nombre. Les géants de pacotille ont une lourde responsabilité, ils sont devenus au fil d'un siècle de médiatisation à l'extrême, les porte-drapeaux du libéralisme, du nationalisme, de l'argent roi.
Êtres immatures, souvent incultes, aveuglés par une réussite de pacotille, il leur arrive de tomber de leur piédestal. La chute est terrible, les icônes se fracassent, se trouvent emportées par un tourbillon dont ils ne comprennent rien. Ceux qui hier étaient adulés, sont jetés aux orties, vilipendés, montrés du doigt par une foule versatile prête aujourd'hui à les lyncher. Une défaite de trop, un rendez-vous manqué, une blessure qui dure, un penalty manqué et c'est l’hallali.
Je ne veux pas les plaindre, ils se sont faits les complices de cette farce. J'aimerais qu'enfin les parents cessent de les montrer en exemple, de grimer leurs rejetons avec ces tuniques de la prestidigitation consumériste, que ces adultes censés être leurs responsables leur fassent comprendre qu'un autographe ou une photographie d'un dieu dérisoire, n'ont aucune valeur. Mais comment y parvenir alors que ces adultes sont eux-aussi totalement englués par cette spirale de la vacuité ?
Cathartiquement leur.