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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

L'heure du laitier

Quand nous buvions du petit lait.

 

 

Je me souviens avec nostalgie de cette laitière en fer blanc avec laquelle j'allais, le matin, chercher le lait chez notre épicier du coin, monsieur Pelé, expression fort à propos parce que son commerce faisait l'angle du pâté de maison. Peu de temps auparavant, nous avions été réveillés par le camion qui justement apportait quelques gros bidons de lait frais.

C'était un temps où une petite pellicule de crème recouvrait ce liquide blanc qu'il convenait de surveiller comme le lait sur le feu. Nous avions renoncé à utiliser l'anti-monte lait lui préférant une vigilance de chaque instant. Une fois chaud, délicatement, il fallait retirer la croute blanche et épaisse qui était précieusement conservée avant que de préparer un chocolat chaud ou un café au lait, selon l'humeur du moment.

Le même épicier, recevait alors des yaourts dans des pots en grès, onctueux à souhait et dont nous retournions le pot vide pour pratiquer naturellement un geste qui ne s'appelait pas encore durable. Nous en profitions encore pour rapporter les bouteilles vides, consignées naturellement en cette époque où la grande distribution n'était pas encore née et ne songeait même pas à prendre les décisions à la place du parlement.

Tout cela ne nous semblait pas extravagant ni même un acte militant. Chez le droguiste en face de l'épicerie, les produits d'entretien ou de toilettes se vendaient dans des grands flacons de verre munis d'une petite cannelle. Nous venions avec des contenants que monsieur Henri remplissait avec soin. Nous ne nous arrêtions pas en si bon chemin tandis que chez le quincailler Daille, les clous, vis, pointes, écrous se vendaient en vrac sans qu'il fût besoin d'une boîte en plastique recouverte d'un carton puis d'un film mince translucide.

Nous allions tous acheter nos légumes chez les maraîchères (toutes des femmes) pour peu que nous ne disposions pas nous même d'un bout de jardin. Nous faisions alors du circuit court sans même le savoir, nous contentant de nous rendre à pied chez ses agriculteurs biologiques qui ignoraient tout de ce vocable. Nous ne consommions que les légumes et les fruits de saison sans que la télévision balbutiante ne vienne nous donner des envies d’exotisme.

Une commerçante Madame Morin tricotait des pull-overs que nous choisissions sur catalogue et nul n'aurait songé à faire venir ce vêtement de l'autre bout du monde. La dame ne repoussait pas le progrès car elle utilisait une machine à tricoter tandis que nous avions tous, une mère ou une grand-mère qui lui préférait les bonnes vieilles aiguilles.

Tout ceci naturellement date d'un autre siècle, une époque éculée pour laquelle rentabilité, flux tendus, délais de livraisons, commandes à distance et autres balivernes sorties de ces maudites écoles de commerce n'effleuraient pas encore les esprits retors et cupides. Le temps allait son train et la vie n'en demeurait pas moins agréable qu'aujourd'hui, bien au contraire.

Le facteur passait tous les jours, sur sa bicyclette qu'il devait actionner, je ne sais si l'on va me croire, par la seule action de ses mollets sur les pédales. Il prenait le temps de discuter un brin avec chacun, le service public étant encore une réalité incontestable. Pour téléphoner, c'était une autre paire de manche, il fallait se rendre dans une grande cabine en bois, avec sa porte vitrée et attendre qu'une opératrice vous mette en communication avec votre correspondant.

Tout ceci ne peut plus se concevoir. Le progrès est passé par là. Même les camions du ramasseur de lait ne sillonnent plus la campagne chaque jour. De grandes citernes se remplissent dans les fermes et sont transvasées dans un camion-citerne. L'époque n'est plus à boire du petit lait tandis que nombre de nos enfants, qui n'ont jamais vu une vache, pensent que ce produit vient au monde dans des boîtes en carton. Ils ne savent pas le bonheur d'aller boire le lait au pis de la vache !

Laitièrement vôtre.

 

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