Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.
6 Avril 2021
Un mal irréversible.
Toute crise produit immédiatement des effets spectaculaires qui focalisent les observateurs, inquiètent les braves gens, mettent en branle des décisions souvent à l'emporte-pièce faute d'une véritable connaissance du sujet. Dans la tourmente, chacun essaie tant bien que mal de s'en prémunir ou de s'en sortir sans trop de casse. Passer entre les gouttes devient alors une obsession légitime, chacun se souciant d'abord de sa précieuse personne avant la communauté.
Puis, petit à petit se font sentir les signes d'un malaise bien plus profond, beaucoup plus sournois qui échappent totalement à la problématique même de la tension de l'heure. La crise provoque une sortie de route à moins que ce ne soit de doute. Nombre d'individus se persuadent que la faute est collective, que la punition est divine, que le châtiment est mérité, que les raisons en sont provoquées ou que sais-je encore.
La contagion gagne de proche en proche, de manière assez distincte il est vrai. Cette fois, les épistémologistes sont impuissants à en cerner les manifestations. Les uns se soumettent aveuglement aux décisions qui tombent du ciel et vouent alors une haine sans égal aux mauvais diables qui émettent des réserves sur leur légitimité. Les autres jouent les bravaches, ignorent tout des mesures élémentaires pour jouer avec le feu et provoquer les premiers.
Certains cherchent à comprendre en se passant des thèses officielles, toutes plus absconses les unes que les autres, plus nombreux sont ceux qui gobent tout sans plus jamais exercer leur esprit critique, ayant totalement mis leur sort dans les seules mains d'un gourou exalté. Tous voient en ceux de l'autre camp un adversaire à éradiquer bien avant le terrible mal qui les menace.
La contagion des consciences est en marche, ce qui avouons-le avait été une belle promesse de campagne. Il n'y a plus ni humanité ni empathie, la haine est patente, le regard qui tue est adressé à celui que le quidam suppose de l'autre bord. On ne parle plus déjà qu'on ne plus se voir et malgré l'étrange objet fiché sur la face, on se dévisage avec acrimonie, terreur ou épouvante.
Les manifestations ne sont pas que somatiques même si, celles-ci viennent aggraver encore un peu plus le triste tableau clinique de l'époque. On se dénonce, on s'épie, on s'insulte, on se tourne le dos, on en appelle à la justice, on réclame des sanctions exemplaires, on use à plaisir de cette merveilleuse délation, pratique atavique d'une société sous le joug. ON me dira-t-on est un bien commode pronom parfaitement impersonnel et c'est à dessein que j'en use ici pour rendre compte de ce qui se passe alors.
L'ennemi, puisque guerre il y a d'après notre général en chef, l'ennemi donc c'est l'autre dans toutes ses différences, ses affreuses dissemblances, ses horribles distinctions. Le tissu social se déchire, les familles même se trouvent confrontées à des guérillas internes, les clans échappent à la raison, les factions se préparent, les fractures se multiplient tandis que le pouvoir use du bâton à un tel point que les gardiens de la paix deviennent des vecteurs de tensions, des fomenteurs de troubles, des sujets d’exécration.
Nul test ne pourra véritablement mesurer les effets désastreux de cette effroyable contagion des consciences à moins que ce ne soit le verdict des urnes, une fois qu'il sera trop tard. N'espérons d'ailleurs rien du côté de prétendants au pouvoir, ils ne valent pas mieux puisque cette constitution a provoqué chez nos politiques une ablation totale du consensus, une éradication de la nuance, une greffe de la morgue et de l'orgueil chez les vainqueurs.
Le peuple se désagrège totalement et irréversiblement dans cette crise, ce qui finit par arranger les factieux qui prétendent au pouvoir. Avec une toute petite minorité des électeurs ils peuvent ainsi s'arroger les pleins pouvoirs comme ceux qui en disposent aujourd'hui. Ils peuvent continuer de nommer ce cirque Démocratie, la contagion des consciences risque de leur renvoyer à la face une forme plus terrible encore de gouvernance.
Désespérément leur.