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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Parodie hygiénique

Montrer patte blanche.

Ça, nous le savons…

 

Partout où vous allez désormais, que ce soit à Marseille ou bien à Alep, au supermarché ou dans un théâtre occupé par les intermittents, un cerbère patibulaire cache son visage derrière un foulard digne des bandits de grand chemin pour exiger de vous que vous lui montriez patte blanche. On pourrait croire à une revanche des colonisés, se faisant un malin plaisir à laver des siècles d'affront. La main de l'occidental autochtone devra passer au produit miracle, celui qui effacera symboliquement toutes les fautes du passé.

Honteux, repentant, le pauvre interpelé comprend qu'il doit se plier à l'injonction, tendre ses mains pour recevoir sa juste punition : « Si ce n'est lui, c'est donc ses frères, ses sœurs ou un des siens ! » Bon prince, le vigile ne frappera pas l'impétrant d'un formidable coup de baguette flexible, ce temps est révolu, il convient de faire preuve d'un peu d'humanité…

Le châtiment est plus redoutable encore, il va lui verser une potion diabolique sur les paumes, un produit miraculeux qui effacera dans l'instant le poids des crimes d'autrefois. Purificateur, le gel contient cet alcool qui a provoqué tant de ravages chez les peuples soumis par la force et la boisson. Ce retour du bâton est une juste revanche.

Les malheureux repentants, de visite en visite, vont découvrir un peu tard que les empreintes du temps se sont effacées au fil des ablutions, répétées à un rythme effrayant. La perte de l'identité est à ce prix, les pêcheurs ne se lavent plus les mains, ils se confessent en public afin de gommer les traces douloureuses du passé.

Voulant échapper à ce diabolique complot des seconds de cordées, je refuse de montrer mes mains, enfilant une paire de gants noirs pour contre-carrer le piège. Parfois, le gardien me permet cette exception, ignorant sans doute que j'ai tout compris de sa manœuvre. Il accepte mes explications, juge qu'il est possible d'avoir une allergie à ce produit qui ruine ses employeurs et enrichit une fois encore quelques coquins plus malins.

D'autres, plus soucieux de répondre à ce collant protocole qui se ferait plus modeste en se nommant procédure, m'envoient me laver les mains au savon, ce qui de toute éternité, était le moyen de se laver les mains. Je devine que quelques lecteurs tatillons me diront que le savon n'a pas toujours existé. Je lui évoquerai alors la saponaire, sans en dire plus pour qu'ils disposent enfin d'une occasion de se faire une opinion par eux-mêmes.

Partout le gel hydroalcoolique mène le bal. Il est incontournable et les moutons bêlant suivent la procédure protocolaire, les mains sur la couture du pantalon ou de la jupe plissée (ce qui est bien plus complexe). C'est alors qu'ils se rendent compte que cette position de totale soumission n'est pas propice à la consigne.

Quoique dans une nation laïque, ils se souviennent d'un lointain geste de déférence religieuse. Ils joignent leurs mains, les présentent paumes en l'air à ce curieux officiant de la nouvelle doctrine. Ils reçoivent alors le liquide sacré, le mucus du nouveau prophète de la foi sanitaire. Ce baptême sans cesse renouvelé leur ouvre non les portes du Paradis, mais simplement celui de tous les lieux qui accueillent du public.

Voilà, vous savez tout de ce nouveau rituel qui fait de vous non des sujets mais des objets, des fidèles soumis à la nouvelle doctrine, à la religion des temps sanitaires et aseptisés. Aux innocents, les mains hydro-alcoolisées, les autres iront tout droit dans l'enfer de la réanimation. Le diable est toujours dans les détails.

Hygiéniquement vôtre

 

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