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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Auteur en mal d'inspiration.

Publication par Messagerie Assistée

 

 

On n'arrête plus le progrès prétendent ceux qui aiment à aller de l'avant sans jamais assurer leurs arrières. Prenons donc au pied de la lettre ce truisme élémentaire afin d'examiner l'histoire d'un prosateur en mal d'inspiration. Il se peut que son histoire ouvre de nouvelles perspectives à bien des anonymes en quête de notoriété ou de postérité. À défaut de leur mettre un peu de plomb dans la tête, ce récit remplira quelques pages restées désespérément blanches.

Il était une fois un malheureux insomniaque qui décida de noircir ses nuits blanches. Faute de trouver le sommeil, il voulait rendre productives ses heures de veille nocturne. Le couvre-feu lui interdisant d'aller courir le guilledou autrement que sur la toile, l'homme se mit en demeure de se constituer un merveilleux petit cheptel d'amies virtuelles. Voilà une pratique qui respecte à la fois les gestes barrières et les mesures d'hygiène élémentaire en matière sexuelle.

Au fil des échanges qu'il conserva précieusement, se moquant ainsi d'alourdir sa dette carbone par data interposé, il eut l'idée de profiter des échanges multiples, coquins parfois, amusés à d'autres moments, courroucés souvent, pour se lancer dans une aventure littéraire. C'est une nuit qu'il séchait plus qu'à l'accoutumée pour répliquer à une saillie féminine qui le laissa pantois, que regardant sa main inerte sur une souris immobile que le titre s'imposa à lui comme une évidence : « La troisième gonade ! »

De séducteur fictif sur écran bleuté il allait se muer en Prince de la séduction, en Archange de la flatterie, en Coquin de la gaudriole, en Casanova du clavardage intime. Quoique vous puissiez en penser, la chose pour fréquente qu'elle puisse être, avait pris chez lui une toute autre tournure. Notre larron du clavier ayant couché rapidement sur le papier auquel il convient parfois d'accorder quelques exceptions, un plan pour une intrigue amoureuse qui se passerait de la moindre consommation charnelle.

La difficulté majeure qui risquait de mettre son roman à l'index, c'est qu'il entendait, par ses commentaires incertains, vagues parfois, énigmatiques ou mystérieux, pousser ses interlocutrices d'une nuit, à la réplique bien sentie, au propos suffisamment graveleux ou provocateur pour engendrer des réponses cinglantes dont il allait nourrir son récit.

 

Il fit tant et si bien qu'au risque de se fâcher avec bien des inconnues, il parvint à constituer une œuvre Patchwork du plus bel effet. Il y avait là, ce qui fit l'admiration des critiques et des lectrices, des confessions intimes, des remarques outragées, des aveux singuliers, des invites cavalières dont la teneur ne semblait pouvoir venir de la main d'un homme. Il fut loué pour sa sensibilité, sa connaissance intime de l'éternel féminin. Le succès fut naturellement au rendez-vous. Le roman dont il n'avait écrit aucune ligne lui accorda cette gloire littéraire dont il rêvait.

Cela ne dura pas. Le revers de la médaille fut même cinglant et d'une redoutable violence d'autant qu'il survint quelques jours avant la remise des prix littéraires pour lesquels son nom circulait sur toutes les lèvres. Un autre roman provoqua une explosion médiatique sans précédent. Il était l'exact pendant de « La troisième gonade ! », il en comblait les vides, en dévoilait les perversions tout autant que les ficelles.

Ce récit fut compris comme une chronique du harcèlement, une plongée dans la perversité masculine. Tous les propos incongrus, douteux, provocateurs, irrespectueux qu'il avait rédigé sans soucis de forme et encore moins du fond, furent repris par un groupe de femmes insomniaques qui devinant son manège, s'étaient jurées de le prendre à son piège.

« La troisième gonade » venait d'engendrer un enfant dans le dos de son créateur. Une œuvre impitoyable sur les tréfonds de l'âme masculine. Notre pauvre prédateur des messageries roses pour nuit blanche ne s'en remit pas. Son roman fut repoussé comme une œuvre malfaisante. Il dut fuir les plateaux télé et les interviews, victime qu'il était d'un lynchage médiatique impitoyable.

Il prit à nouveau la plume, fit confession publique, avoua ses fautes et construisit alors un texte émouvant, sincère et d'une facture littéraire empreinte de sa technique de collage qu'il avait employée précédemment avec les mots des autres. Il trouva une petite musique intérieure tout autant que le sommeil. Il n'écrit plus qu'au grand jour sans plus jamais jouer les parasites. Il avait trouvé sa voie et sa propre voix. Le succès finit par lui redonner une seconde chance.

Clavardement sien.

 

 

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