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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Médiafoirus :

 

Le toubib des plateaux.

 

 

Le temps des apothicaires est révolu tout comme celui de nos braves et valeureux médecins de campagne. L’heure est à la modernité : Thomas, le fils prodigue de Médiafoirus n'a pas souhaité ouvrir un cabinet. Ce seul mot lui fait dresser les cheveux sur la tête, lui qui ne veut surtout pas être gastro-entérologue. Il faut avouer qu’il a gardé un très mauvais souvenir de ses séjours en colonies de vacances. Comment trouver le créneau le plus rémunérateur quand on est comme lui, un individu aux dents longues ?

Il a bien pensé à devenir chirurgien dentiste, une promotion digne d’intérêt pour couronner ses brillantes études. Mais là encore, son enfance lui revient en mémoire et cette lancinante réflexion de son cher père, les rares fois où il était à la maison : Thomas, quand te mettras-tu un peu de plomb dans la tête ? Même s’il a les dents qui rayent le parquet, même s'il préfère le palais à la masure, il veut trouver spécialité à son pied pour mener grand train de vie sans avoir à se déchausser à tout propos.

Thomas, poursuivant son investigation, consulta un cabinet de projections et perspectives personnelles pour découvrir le créneau le plus prometteur dans le maquis des spécialités. Lui qui rêvait de briller dans la bonne société et pourquoi pas devenir un ministre de la République, avait songé un temps se tourner vers la chirurgie plastique. Un souci esthétisque qui l’honore, aurait répondu son père avant que de lui glisser à l’oreille qu’enfant, il ne jouait jamais aux Lego. Thomas ne comprit pas cette remarque mais crut bon de changer d’orientation.

Son père lui recommanda de garder les mains propres. Thomas comprit que la chirurgie avait parfois l’inconvénient de côtoyer les viscères ou le système cardiaque. Il souhaitait échapper à ces désagréments. Le système squelettique pouvait lui permettre de trouver un créneau porteur et une possibilité de joindre l’utile à l’agréable. La chirurgie orthopédique pratiquée dans une station de ski huppée pouvait faire briller sa bonne étoile. Hélas, le pauvre garçon n’avait jamais été habile de ses mains et détestait par dessus tout bricoler. Adieu cette option prometteuse.

De cogitation en cogitation, il en vint à s’interroger sur la médecine du cerveau. Voilà un domaine qui pouvait permettre de trouver des pratiques qui ne demandaient pas toujours d’accomplir des miracles. Mais lui, si étourdi, allait-il pouvoir remettre les idées en place à de pauvres gens ayant perdu la raison ? Il en doutait sincèrement. Il renonça à se prendre la tête et alla chercher ailleurs. Il fit le tour du sujet, examina toutes les facettes de ce métier. Il comprit bien vite que malgré tout, il aurait à se retrousser les manches, à œuvrer plusieurs heures par jour, à se consacrer pleinement à ses patients, toutes choses qui lui semblaient insurmontables. Il y avait certainement des pratiques médicales qui dispensaient de fréquenter clinique ou cabinet. Il devait mener son enquête en dehors du monde des blouses blanches.

C’est alors qu’il découvrit qu’il y avait des carabins de salon, des professeurs passés maîtres dans l’art de donner des prescriptions, des régimes, des posologies, des cures, de prescrire des ablations, des amputations ou bien des greffes sans jamais voir le moindre patient. Il demanda à la faculté s’il y avait une spécialité pour devenir expert auprès du gouvernement. On lui rit au nez, la place était prise et ceux-là, pour rien au monde, ne lui auraient fait une petite place. Il allait renoncer quand une idée lui traversa l’esprit. Lui qui avait toujours été un beau parleur, qui présentait bien et avait depuis toujours su singer les tics de langage de son père, éminent praticien, se dispensa de poursuivre ses études, longues et fastidieuses. Il trouva une lointaine université exotique et nécessairement complaisante pour obtenir un diplôme fictif. Fort de ce Sésame, il proposa ses services aux chaînes de télévision.

Le succès fut immédiat. Les vrais médecins avaient tant à faire qu’ils ne pouvaient répondre aux multiples sollicitations des médias. Lui, Thomas Médiafoirus devint une vedette, une référence, une voix qui comptait dans le pays. Il avait réponse à tout, avis sur rien mais capacité à répéter ce qu’on attendait de lui. Il allait de plateaux en plateaux comme d’autres vont de blocs opératoires en services de réanimation. Ces collègues se lavaient les mains, lui se poudrait le nez. Il fut même appointé par quelques grands groupes pharmaceutiques pour améliorer le quotidien et meubler sa dithyrambe ordinaire.

Thomas Médiafoirus est un spécialiste reconnu, une personnalité qui court les cocktails et les réceptions. Il est injoignable sur les grands créneaux d’information de 13 h à 14 h et de 19 h à 21 h mais pour le reste de la journée, il peut tout à loisir jouer au golf ou prendre du bon temps. Il ne risque pas l’erreur médicale, n’a pas à payer de police d’assurance exorbitante et n’est jamais dérangé en pleine nuit. Il a enfin trouvé sa voie.

Spécialistement sien.

 

 

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J
D'après Baudelaire, je pense que ton mediafoirus est le diable.<br /> « Mes chers frères, n’oubliez jamais, quand vous entendrez vanter le progrès des lumières, que la plus belle des ruses du diable est de vous persuader qu’il n’existe pas ! » Charles Baudelaire Petits Poèmes en prose 1862
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C
Jean<br /> <br /> Charles a raison<br /> <br /> Le diable est dans tous les rouages de l'état