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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Xyloglossie forestière à usage des discoureurs insincères

Enquête aux sommets de l’État

Entre pipe et pipeau.

 

Depuis que nos Politiques, personnages peu scrupuleux, ont les dents qui rayent le parquet des palais de la République, il n’est pas surprenant que la contagion ait fini par couronner leurs discours, eux qui, perchés sur des estrades, se prenaient pour des tribuns antiques. Ils n’ont pas donné leur langue aux chats et c’est tout naturellement que cet organe galvaudé chez eux, s’est retrouvé d’un bois dont naturellement on fait les pipes et les pipeaux. Plus personne du reste ne vient contester l’assertion que la langue de bois est l’attribut numéro un de celui qui parle pour ne rien dire. Cependant si chacun s’accorde sur ce point, nul n’a encore songé à mener l’enquête pour savoir de quelle essence est cet appendice plus redoutable encore que celui des vipères.

 

En tout premier lieu, beaucoup penchèrent pour un bois indigène, forcément local, un arbre bien de chez nous. C’est vers celui-ci que se tournèrent mes premières investigations. Puisque nos chantres de la parole creuse ne cherchent après tout qu’à nous charmer sans jamais songer qu’ils feraient mieux de s’adresser à notre intelligence, il me vint de suite à l’esprit qu’ils avaient une langue en charme. C’était naturellement une fausse piste car c’est un bois clair exactement à l’opposé des propos de nos amis, très dur et lourd alors que leurs paroles ont la fâcheuse tendance de s’envoler aisément.

 

Puis, ne leur déniant pas la condition humaine, je pensais bien vite au hêtre. J’eus le sentiment de ne pas faire fausse route quand je découvris que ce bois se prête aisément à l’imprégnation, se laisse facilement tourner et cintrer. J’avais la conviction d’avoir la solution quand je découvris que ce bois était fragile et ne durait guère de temps. Mais il me fallut déchanter, nos amis n’aiment rien tant que l’avoir, tout le contraire donc.

 

Le chêne m’apparut comme une piste de qualité. Comme il rompait dans la tempête, il avait là, la caractéristique essentielle de nos gugus. Souvent utilisé pour les parquets, il donnait cet aspect glissant à leurs discours qui ne pouvait que les séduire. Ce bois brun fonce à la lumière ce qui pouvait expliquer que les projecteurs avaient tendance à obscurcir un discours qui dans le privé était somme toute assez compréhensible. Puis je me rendis à l’évidence, ce chêne eut été un boulet à leurs pieds, une entrave qui n’aurait pas permis de changer d’avis comme de chemise.

Le bouleau s’imposa alors à moi. Voilà un arbre qui présente une uniformité dans le grain qui confère des qualités décoratives attractives. Léger, il avait de quoi séduire ces grands voyageurs qui ne cessent d’aller d’un endroit à l’autre pour discourir de tout et surtout de rien. Puis je me rendis compte qu’il était surtout utilisé pour le plaquage ce qui explique certainement que nos amis sont plus prompts à soutenir des licenciements que des gens qui cherchent du bouleau. Je faisais une fois de plus fausse route.

Le frêne, proche cousin du bouleau m’apparait alors comme une piste possible. Ce bois blanc est dur et lourd. Il est parfaitement adapté aux usages du quotidien. Pour le discours historique, il faudra repasser. Il permet souvent de faire des manches ce qui avouons-le nous fait immanquablement penser à nos beaux parleurs plus prompts à faire travailler les autres qu’eux-mêmes. Mais comme jamais rien ne peut freiner l’envie de ratiociner de nos discoureurs, il est fort probable que cette essence soit à exclure, elle aussi.

Les pins sont nombreux et l’on pourrait trouver une espèce qui puisse avoir servi pour cette fameuse langue de bois. C’est je crois à exclure parce que la résine à défaut de leur clouer le bec, risquerait fort d’encombrer le palais. Et puis, comme le dit un député du Loiret, une baguette dans la main : « Avec le pin, on risque de faire un four ! Ce n’est pas de ce bois que je me chauffe, ça encrasse trop le conduit et rend plus délicat le ramonage ». Dont acte.

 

L’orme me sembla alors un candidat potentiel. Ferme, facile à travailler, ce bois est réputé liant, ce qui pour obtenir les voix des citoyens est fortement recommandé. Puis, il se dessèche rapidement et devient cassant avec l’âge. Là encore, le portrait était ressemblant. Mais les mycologues vous diront que l’orme a un parasite, l’oreille éponyme. Là vraiment nous ne pouvions plus mal tomber, ces gens-là parlent surtout pour ne pas être entendus mais simplement vaguement écoutés.

 

Le saule se signala à moi. Il est vrai que j’avais mal à la tête et qu’il me conseilla de bénéficier de son acide acétylsalicylique à l’origine de l’aspirine. Mais vers quel saule pencher pour la langue de nos représentants. Le pleureur tint immédiatement la corde tant ces gens feraient mieux de se stère. Le saule blanc était trop commun, le saule vannier idéal pour siéger. C’est le saule argenté qui me fit douter, ceux-là sont toujours à mettre à mal le budget de l’état.

 

Le platane a une longévité exceptionnelle ce qui conviendrait très bien à nos lascars. Sa fertilité est très faible, bien peu de ses graines peuvent germer comme bien peu des paroles de nos amis sont de nature à donner des suites. S’il vit très longtemps, c’est surtout une plante d’ornement pour border nos routes comme d’autres paradent uniquement lors des cérémonies. Mais cessons de chercher des similitudes, son écorce se délite, elle part en lambeaux alors que nos discoureurs sont caparaçonnés de certitudes.

 

Les bois de nos fruitiers se signalèrent alors à moi. Même s’ils sont fort beaux et utiles pour la marqueterie, leur principale qualité est de nous offrir des fruits, de nous régaler de leurs différentes saveurs. La chose était si absurde que cette comparaison était déraison. Seul le pépin rattache la langue de nos politiques à cette branche qu’il convient d’élaguer. Si l’électeur est souvent pris pour une bonne poire, l’élu s’arrange toujours pour préférer le serpent à la pomme.

L’automne soudain semble me mettre sur la piste. Le châtaignier et son fruit dans un bogue épineux avait de quoi me séduire. C’est l’une des essences qui vieillit le mieux et compte tenu de la vie tranquille que mènent ces profiteurs notoires, la chose semblait crédible. Sa richesse en tanin en fait de plus un bois particulièrement résistant. Nous l’avons maintes fois constaté à nos dépens. Il aime par étymologie la castagne, il n’est qu’à entendre les algarades de la chambre. Je poussais plus avant les recherches quand je découvris ceci : dans la mythologie gréco-romaine, le châtaignier est la dépouille de la nymphe Néa compagne de Diane qui préféra se tuer plutôt que de céder aux avances de Jupiter. Nous allions déclencher les foudres de Freluquet, autant changer de piste.

 

La recherche eut pu être longue encore quand la bonne fortune me sourit. Le peuplier me sauta à la face lorsque j’appris que sa culture se nommait populiculture. J’avais là le candidat idéal pour ces princes du populisme. Ce bois tendre et nerveux résiste aisément aux flexions. Avoir l’échine souple est une nécessité dans la profession. Il a de plus un système racinaire important sans véritablement s’enfoncer profondément dans le sol. C’était vraiment parfait.

 

Si autrefois, les décisions importantes étaient prises sous les peupliers, la transformation des langues de nos amis les politiciens en bois de peuplier les aidait à cesser de prendre des décisions pour se contenter de pérorer à longueur de temps. Notre responsabilité était engagée, nous avions eu tort de les laisser faire de la sorte. N’oublions pas que pour nos anciens, le peuplier était porteur d'espoir et promesse de régénérescence. Nous avons donc un mince espoir. Coupons-leur la langue et allons cueillir les fleurs de peuplier, symbole du temps et de la persévérance.

 

Arboricolement leur

 

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