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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Une histoire qui ne vaut pas un clou.

À s’en mordre les doigts.

 

 

Il convient de puiser dans l’enfance l’origine de bien des travers. Je dois vous faire ici confession qui me coûte et risque fort de me clouer au pilori des bricoleurs. Le récit m’en demandera bien des efforts, je vais ici porter ma lourde croix en espérant y mettre la manière. Prenez la peine de la lire sans me taper sur les doigts si elle vous déplaisait.

Tout a commencé pour moi dans un atelier de tapissier. Mon père, homme habile et doué de ses mains avait la prétention de faire de son rejeton, son digne successeur. Selon l’adage, la valeur ne doit jamais attendre le nombre des années, c’est donc dès mes quatre ans qu’il me mit un marteau dans les mains pour enfoncer le clou et inculquer par la même occasion le virus du métier.

Bien mal lui en prit… Ce fut pour moi un véritable chemin de croix, le clou se refusant obstinément à la tête en acier trempé du marteau qui avait quant à elle une singulière attirance pour mes doigts de la main gauche. Ce fut là un calvaire car mon géniteur s’obstina à m'inculquer les bases de son art. Lui qui passait ses journées avec de petites pointes dans la bouche qu’il allait quérir avec un marteau à tête aimantée.

Je le regardais faire, attrapant la pointe avec une précision diabolique, l’enfonçant d’une seule frappe à l’endroit précis où il en avait décidé. Je voulus naturellement opter pour cet outil. Mal m’en prit car cette fois, la blessure fut plus grave, accompagnée des stigmates de notre seigneur des cieux. De là on me colla la terrible réputation d’avoir deux mains gauches qui me colle encore à la peau sans que je fasse quoi que ce soit pour démentir la chose.

Je pense aussi que ma sympathie, toute païenne cependant, pour le fils du charpentier de Judée, naquit à ce moment-là. Je crois que lui aussi a partagé l’éducation d’un père qui voulait faire de lui un artisan. Si nos chemins ont différé, le choix de la langue plutôt que du marteau fut notre point commun. C’est en son hommage du reste que je me fais un devoir de toujours traverser sur les clous même si ceux-ci ont disparu de nos villes.

Je laissai donc rapidement choir les outils pour me consacrer au vélo. Quel rapport me direz-vous ? Ce n’était certes pas un vieux clou bien que rapidement dans mes mains, mon beau coursier Peugeot devint rapidement une sorte d’épave ambulante. Comme j’étais strictement incapable de réparer les sottises que mon sens de la cascade provoquait, je devins le meilleur client d’un réparateur qui pour nous tous était Charlot, un surnom affectueux, rassurez-vous.

Le clou revint au galop cependant dans mon existence d’enfant d’artisan. Puisque je ne pouvais l’enfoncer, on me réserva l’honneur de l’arracher. C’est bien la seule chose d’utile que je sus faire convenablement dans cet atelier. À deux pas de la Sologne, j’étais muni d’un petit pied de biche ou communément appelé Chasse-clou, et sans permis d’aucune sorte, je traquais le clou récalcitrant pour dépouiller fauteuils et canapés de leurs parures.

Il y avait un intérêt à cette activité, non pas dans ce geste éminemment répétitif, mais dans l’espoir de la découverte fabuleuse. Les fauteuils recèlent des trésors qui se sont glissés dans leurs interstices : pièces de monnaie le plus souvent ayant échappé à la poche qui leur servait de refuge. Ne pensez pas que le butin fut prodigieux ; ce n’étaient le plus souvent que de vieux sous troués, depuis belle lurette hors d’usage. Qu’importe si cela ne valait pas un clou, c’était la fièvre de la traque qui réjouissait le déclouteur.

N’ayant nul trésor désormais à espérer dans le bricolage, je renonçai à jamais à Satan et à ses manœuvres bricoleuses. Le seul clou qui puisse encore me satisfaire est celui du spectacle si par bonheur, il me permettait à nouveau de trouver une chute glorieuse. Pour me prémunir de tout risque sur le grand théâtre de l’existence, m’étant quelques fois déchiré mes pieds nus à quelques clous dépassant de parquets usagés de nos scènes rurales, pour éviter tout risque sanitaire je me suis laissé inoculer le seul vaccin qui vaille pour un arcandier de mon acabit : l’antitétanique !

Cloutement vôtre

 

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