Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Tout se paie un jour …

 

Trois spéculateurs devant Saint-Pierre.

 

 

Il était une fois trois personnages à la conscience lourde et aux mains sales. Étrangement, ils avaient la même activité et la destinée les avaient réunis en leur dernière heure. Ils étaient là, parmi une multitude, en rang d’oignon devant la porte de Saint-Pierre. L’attente était longue, la file d’autant plus interminable que le noble vieillard, gardien des clefs, avait instauré les gestes barrières et la distance de sécurité avant que de passer le contrôle. C’était pourtant bien le seul endroit qui soit où les masques finissaient par tomber avant que chacun se montre sous son vrai visage…

 

Nos trois lascars s’étaient retrouvés les uns derrière les autres alors que sur terre, ils avaient accompli une sale besogne. Il convient de préciser que j’ai longuement hésité à définir leur occupation tant la chose ne demandait aucun effort physique, une absence totale de scrupule, une empathie proche du néant et une cupidité sans pareille. Mais hélas, ceux qui font métier de l’usure et de la spéculation sont encore trop nombreux dans cette vallée de larmes pour que puisse surgir l’espoir d’un monde meilleur.

Habituellement Saint Pierre expédiait de tels margoulins directement en enfer. Dieu ne supportait pas pareille engeance. Depuis quelque temps Satan lui-même exprimait de très grandes réserves sur ces individus, capables de faire monter le cour de la fournaise pour obtenir un meilleur rendement à court terme. Le diable avait émi le vœu que chacun dans l’Eden supporte sa croix et se partage ceux qui sont pires que les sept plaies d’Égypte.

Saint Pierre bon prince accepta de soumettre ces trois-là à un interrogatoire serré afin de découvrir s’il y avait la plus petite lueur d’humanité chez l’un d’eux. L’entretien débuta de fort mauvaise manière, toujours soucieux de bien recevoir ses candidats, le concierge leur demandait toujours ce qui les amenait là. Notre vénérable ne se lassait jamais de parcourir ainsi l’interminable liste des maux que son patron avait envoyée sur Terre afin que le Paradis, en comparaison, soit vécu comme un séjour idyllique. Dieu avait suivi une formation de marketing dans une de ces grandes écoles de commerce toutes financées par son vieil ennemi Lucifer.

Grande fut la surprise du Saint Homme quand il apprit que ces trois gredins avaient été emportés par un infarctus. « Comment, s’était-il exclamé, vous aviez un cœur ? Pourtant votre curriculum vitae me fait douter de pareille assertion ! » Leurs affaires, pour une fois étaient fort mal engagées ce qui enchantaient les autres pauvres bougres, présents eux aussi, qui avaient été mis à pied pour satisfaire à la gourmandise de ces trois bandits.

Déjà dans la file d’attente, des voix s’élevaient pour qu’ils connaissent sans plus tarder l’enfer que ces salopards avaient fait subir à bien des travailleurs sur terre. Saint-Pierre exigea de la modération dans les rangs. Dans sa position, il est aisé d’obtenir le retour au calme sans avoir recours ni aux bombes lacrymogènes ni aux armes non létales. Un ancien CRS admira sa façon de se faire écouter tout en regrettant les bonnes vieilles charges d’autrefois.

Pour établir s’il y avait moyen d’épargner l’un des trois postulants qui se présentaient à lui, le serrurier voulut connaître le domaine dans lequel chacun avait porté sa terrible capacité de nuire. Le premier reconnut qu’il spéculait dans l’industrie pharmaceutique, le second dans la nouvelle économie des résidences pour vieillards et le troisième dans la fabrication des armes.

Dans la file d’attente une grande clameur se fit entendre. Trois démons, ils ne valaient pas mieux. Un ancien syndicaliste voulut les pendre sur le champ par une partie de l’anatomie dont sont justement privés les anges qui veillent au bon ordonnancement de la cérémonie. Il fallut le menacer de se retrouver au purgatoire en compagnie des anciens patrons du CAC 40 pour que ce brave homme retrouve son calme.

Saint-Pierre devant la monstruosité de ces trois individus, placés sur la sellette, se gratta longuement sa vénérable barbe. Comment satisfaire à l’attente de Satan et ne pas lui envoyer la lie de la société. Il convenait de trouver chez l’un deux, une petite excuse ou une pénitence possible. Il prit enfin la parole suffisamment fort pour que chacun en tire une leçon parmi la foule des défunts.

Toi, tu as honteusement fait fortune sur la dos de la santé des pauvres gens. Tes exigences financières ont interdit que certains médicaments soient accessibles à la multitude. Tu mérites les flammes de l’enfer sans la moindre hésitation. La punition est bien légère en comparaison de ton ignominie. Tu devras pourtant attendre la venue des différents ministres de la santé de la République Française pour partager leur sort. Sois patients, ils ne tarderont pas à expier leurs terribles fautes.

Toi, tu as exigé que les anciens soient traités comme du bétail, que l’on tire sur tous les coûts afin que des dividendes soient conséquents. Est-il pire crime que celui qui consiste à affamer les anciens, à réduire leur confort, à rendre la vie impossible à ceux qui font métier de les prendre en charge dans des conditions épouvantables et sans reconnaissance financière. Ta cause est entendue, va brûler dans l’instant.

Enfin toi qui a les mains pleines de sang, tu as eu au moins le mérite de ne pas dissimuler ta fourberie. Le commerce des armes est une vilénie, tu l’as assumée contrairement à ces deux hypocrites. Je t’accorde non pas le pardon, c’est impossible, mais une possibilité de rédemption. Tu vas retourner sur Terre, profiter d’une seconde chance en partageant le sort de ceux qui vivent sous les bombes et les armes que tu finançais. Tu vivras le purgatoire et si tu en reviens meilleur, le paradis te sera ouvert.

Dans un silence de mort, les deux premiers furent enchaînés. L’actionnaire de l’industrie pharmaceutique mit au cachot en attendant ceux dont il avait si souvent graissé la patte. L’odieux personnage qui jouissait de la misère de nos anciens, fut traîné par les pieds jusqu’à la fournaise finale. Le marchand d’armes retourna sur terre, il doit à cette heure se terrer dans un abri de fortune et maudire ceux qui continuent de faire de l’argent sur la mort.

C’était précisément ce qui avait réuni ces trois dignes représentants d’une caste sans honneur. Saint-Pierre ne les aime guère. Ceux qui sont encore vivants pourraient profiter de cette histoire pour au plus vite, cesser leurs affreuses manigances et tenter de gagner leur part de vie éternelle en cessant de tourmenter les humbles gens. C’est pas gagné, les spéculateurs n’ont ni honneur ni dignité, pas la plus petite trace d’humanité et pourtant ce sont eux qui dirigent encore notre Planète, s'accrochant de toutes leurs forces à leurs pouvoirs pour la plus grande satisfaction de Satan !

Spéculativement leur.

 

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
J
Le diable est absent de la pandémie. « Mes chers frères, n’oubliez jamais, quand vous entendrez vanter le progrès des lumières, que la plus belle des ruses du diable est de vous persuader qu’il n’existe pas ! »<br /> Charles Baudelaire, Petits Poèmes en prose 1862.
Répondre
C
Jean<br /> <br /> Grand merci
L
Donc il y a une justice, un tribunal céleste... Je m'en doutais... Sinon comment accepter le fait que certains bouchers de l'humanité soient morts paisiblement dans leur lit ?
Répondre
C
LH<br /> <br /> Je n'y crois guère hélas et l'injustice est de ce seul monde