Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.
8 Novembre 2019
À l’image de notre société.
Jamais expression n’aura été aussi adaptée pour décrire l’état de décrépitude d’une société dont le tissu social ressemble bien plus à un torchon qu’à des serviettes. La fracture sociale chère à celui qui est allé manger des pommes en compagnie de tous les autres responsables de ce gâchis, est devenue au fil des quinquennats une faille, un gouffre, un abîme …
Le torchon ne peut plus essuyer les iniquités, assécher les différences, laver les mauvaises pensées. Il a été essoré par les inégalités, froissé par les violences, souillé par les injustices et nulle occasion ne permet désormais de se mettre à la même table pour fraterniser. Plus rien dans ce pays fait société et moins encore la table qui exprime plus encore tous les particularismes, les idéologies, les croyances toutes aussi indigestes les unes que les autres.
Se mettre à table n’est donc plus permis et nul banquet républicain n’est envisageable entre intolérances alimentaires ou pas, pratiques rituelles ou ponctuelles, conviction, goût, exigences sacrées ou simplement habitudes désolantes. La France ne se sent plus bien dans son assiette, c’est là le signe majeur d’un éclatement total, d’une impossibilité de se retrouver pour tout mettre justement sur la table.
L’industrie agroalimentaire en imposant les portions individuelles, les plats à réchauffer, le tout-prêt a favorisé ce grand mouvement qui même au sein des familles a mis à mal le sacro-saint repas collectif. Tout cela n’a pas été innocent, il apparaissait clairement que ce lieu de pacification et de discussion mettait en danger l’idéologie du chacun pour soi.
La serviette en papier a repoussé le rond de serviette, chacun devenant ainsi un nomade du repas, qu’il convient de prendre à n’importe quelle heure, n’importe où et surtout n’importe comment. Le pays fait indigestion d’une mal bouffe généralisée qui n’a eu d’autre but que de casser toute capacité de résistance au libéralisme.
Ajoutons la grande nappe de l’intolérance que dressent avec application les religieux et les idéologues et vous découvrirez que le banquet est devenu un champ de bataille sur lequel chacun défend à couteaux tirés ses convictions, ses règles et ses principes. Le ver est dans le fruit, le verre lui-même pose désormais problème et les grosses légumes ne fréquentent plus jamais la table des humbles. C’est le grand melting pot du vivre séparés.
Les sectaires de tous régimes l’ont bien compris, rien n’est pire que de se taper tous sur le ventre, en bonne convivialité. Alors, il faut créer des modes, ajouter leur grain de sel à la grande discorde universelle, repousser l’idée de se retrouver coude à coude à partager le pain et le vin. La cène pousse au sacrifice, ils l’ont parfaitement intégré et se répandent en interdits de toute nature pour éviter la grande communion.
Pour faire société, il n’est qu’une mesure qui vaille, faire table commune, écarter tout ce qui sépare pour enfin manger dans la même gamelle. Le défi est immense car non seulement le fait religieux a brisé le pain mais plus encore, les inégalités sociales poussent les uns à bouffer tandis que les autres se gavent aux frais de la Princesse dans de la vaisselle provenant à prix d’Or de la manufacture de Sèvres.
Les banquets de nos gouvernants sont à ce titre la plus grande escroquerie de notre République à deux pas des soupes populaires et des files d’attente au restaurant du cœur. L’odieux côtoie l’insupportable sans la moindre empathie pour le monde qui les entoure. Torchons de toutes origines, donnez-vous la main et boutez tous ces monstres qui vous affament, vous divisent et se gavent sur votre dos. Ce sont les serviettes qu’il faut brûler !
Indigestement leur.