Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.
11 Octobre 2019
« Je ne sais pas quoi faire ! »
Partout dans le pays, le forum des associations a invité les gens à établir leur programme pour la présente année scolaire. C’est la grande foire à l’activité, ce qui, avouons-le est une fort bonne chose, permettant à chacun de trouver loisir à son goût. Par contre, j’émettrai quelques réserves sur cette tendance de plus en plus affirmée d’établir un emploi du temps serré pour les enfants, ne les laissant jamais inactifs.
L’emploi du temps d’un enfant impose de plus en plus souvent une incroyable course contre la montre pour passer de la salle de sport, au conservatoire avant que de filer vers le poney club et finir par la séance de peinture. Il faut naturellement ajouter à tout ça, les fameux devoirs à la maison, toujours interdits et jamais prohibés et la sempiternelle tablette, l'objet absolu de l’abrutissement.
L’enfant n’a plus une minute à lui et ses pauvres parents se griment en chauffeur de taxi les mercredis et les samedis. C’est pure folie qui ne laisse plus aucun répit à ce cher petit qui aspire à devenir virtuose, sportif de haut niveau, et petit génie en herbe tout à la fois pour satisfaire le désir de gloire et de richesse de parents qui se vivent bien plus comme des managers que de tendres géniteurs bienveillants. Les parents souhaitent le meilleur pour lui en oubliant la dimension essentielle, son droit à l’ennui.
Comment se construire quand le temps est compté à chaque instant ? Quand s’accordera-t-il un peu de rêve et un bonne dose d’imagination ? Tout doit lui tomber tout prêt dans cet entonnoir qu’on lui a fixé dans sa tête. Il est gavé d’activités pour éviter de ne rien faire, ce mal terrible qui en ferait un fainéant ou pire encore, un idéaliste, si les parents n’y prenaient garde.
Bien sûr, il est préférable de s’activer ainsi plutôt que de perdre sa jeunesse sur les écrans, ce qu’il fera néanmoins à la moindre occasion. Mais comment pourrait-il faire autrement puisque ses géniteurs font exactement la même chose, le nez toujours penché sur ce maudit téléphone qui remplace toutes les autres relations humaines ? L’enfant a compris qu’il doit agir ainsi, imiter en bon petit singe qu’il est, les plus grands totalement enchaînés à leur prothèse.
Ne rien faire c’est vraiment ne rien faire ou trouver des ressources avec un tout petit rien pour jouer des heures durant avec une bobine de fil, une plaque de mousse, un cerceau. Ne rien faire c’est mettre en branle l’imaginaire et l’inventivité, c’est voyager dans sa tête sans avoir besoin d’image et de bruit. Une formidable liberté qui, quelle horreur, fera de l’enfant un saltimbanque, un poète ou un pierrot lunaire. Oui, vraiment tout est préférable à ce piège mortel !
Alors cessez donc de transformer vos bambins en stakhanovistes de l’occupation et en petit Prince de l’écran abrutissant. Prenez conscience qu’en agissant ainsi vous castrez leur imaginaire, vous les limitez à ce rôle de consommateur bêlant pour le plus grand profit d’un système qui a fait de l’enfance, la première marche vers le consumérisme délirant.
L’ennui est essentiel à la construction des esprits libres. Osez lui offrir des trous, des béances dans son emploi du temps tout en l’éloignant de ces maudits instruments qui en font des moutons. Il est grand temps de redonner à l’enfance cette liberté essentielle dont nous avons eu l’immense bonheur de profiter alors.
Vacuitement vôtre.
Quand je m’ennuie j’écris et en plus je sais que ça en ennuie certains. C’est ennuyeux