Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.
13 Octobre 2019
L’imbécile heureux
Un jour, dans son village Berlaudiot a la surprise d’entendre son compère La Malice lui demander un service : « S’il te plaît mon camarade, je suis ben emberlaudé. Il me faut écrire un message important à ma fille qui est à Bordeaux. Toi qui sais si bien parler, peux-tu le rédiger pour moi ? »
Berlaudiot se trouve soudain pris au dépourvu par une telle demande. Il tergiverse quelque peu avant de déclarer : « Mon vieux complice, j’aurai aimé te rendre ce menu service mais hélas, je ne dispose pas assez de temps pour me rendre à Bordeaux ! »
La Malice s’étonne d’une telle réponse, fait remarquer qu’écrire justement permet d’éviter un si long voyage. Berlaudiot voit bien qu’il faut apporter une explication convaincante plutôt que de reconnaître sa balourdise : « Tu ignores sans doute que mon écriture est si personnelle que je suis véritablement le seul à pouvoir me relire ! »
Dans les villages de Sologne, avant l’intrusion des pompes funèbres dans le cérémonial, lors des enterrements, les bons amis du défunt portaient le cercueil jusqu’à l’église, puis jusqu’au champ de naviots. Pour l’une de ces cérémonies funèbres d’un gredin de son espèce, un collègue de chopine interrogea Berlaudiot : « Mon cher camarde, de quel côté du cercueil veux-tu te mettre ? »
Le gentil bredin de répliquer dans l’instant : «À hue ou à dia, qu’importe pourvu que ce ne soit pas dedans !»
Berlaudiot se retrouve veuf alors qu’il est encore jeune. Il est au désespoir mais bien vite ses amis viennent le consoler : « C’est un coup dur, nous comprenons ton chagrin mais la vie continue, le temps effacera ta peine et tu retrouveras une femme, nous en sommes certain. »
Berlaudiot en effet se réconforta bien vite dans les bras d’une autre dame et surmonta sans peine son chagrin. Puis le destin lui joua à nouveau, un vilain tour : son âne mourut. Cette fois curieusement personne ne vint le consoler. Il tomba dans une profonde dépression. Un de ses amis de s’en étonner : « Tu nous surprendra toujours l’ami. Ta femme meurt, tu pleures quelques temps puis ton chagrin s’envole rapidement. Par contre, rien ne semble te consoler de la mort de ton âne ! » Berlaudiot de répliquer vertement : « A la mort de ma femme, vous m’avez tous promis que j’en trouverai une autre. A la mort de mon âne, personne n’est venu me proposer de le remplacer ! »
Berlaudiot avait à son bord deux femmes, l’une vieille et laide, l’autre jeune et belle alors qu’il naviguait sur la Loire. Soudain, un violent orage éclata, des vagues menaçaient de faire chavirer la petite barque bien trop chargée dans de telles conditions. Il n’y avait pas d’autres solutions que de délester l’embarcation de l’une de ses passagères au risque de perdre la marchandise précieuse qu’il transportait également. Mais laquelle choisir ? Berlaudiot, devant le regard suppliant de la plus jeune s’adressa à la femme âgée, lui demandant si elle savait nager. La vieille lui répondit par la négative. Berlaudiot n’hésita pas un seul instant et la passa par dessus bord !
La belle-mère de Berlaudiot ne cessait de lui en faire voir de toutes les couleurs. Revêche, grincheuse, la femme était pour lui un véritable poison. Un jour qu’elle se rendit au lavoir pour laver son linge dans la rivière, elle tomba à l’eau et disparut. Les témoins ne sachant pas nager se précipitèrent chez le gentil bredin pour l’avertir : « Viens vite au secours de ta belle-mère. Elle est tombée dans la rivière, elle va se noyer ! » Berlaudiot court jusqu’à la rivière, se jette à l’eau et remonte à contre-courant. Étonnés, les témoins l’interpelèrent : « Que fais-tu Berlaudiot ? Les eaux coulent toujours vers le bas et ceux qu’elles emportent aussi. »
Tranquillement Berlaudiot répondit : « On voit bien que vous ne connaissez pas ma belle-mère. ! Elle fait toujours le contraire de ce qu’on lui demande ! »