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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Bibi, l’irréductible de Cuffy.

L'Écho-Côtier du Festival

Seul un barrage EDF le force à mettre un pied à Terre.

Alors que la noria des remorques va commencer sur les quais d’Orléans pour décharger des bateaux de Loire qui empruntent la route pour venir au plus grand rassemblement fluvial d’Europe - nous ne sommes jamais à une contradiction prêt - un homme, un vilain petit canard obstiné et certes pas en plastique, résiste à la facilité tout autant qu’à ce terrible étiage.

L’homme est brute de décoffrage. Il a hérité de son père pêcheur de Loire du côté du Bec d’Allier un caractère bien trempé et cette sauvagerie qui convient bien mieux à l’Allier qu’à la Loire. Non content d’être bien né, il a forgé sa détermination sur le pré du Champ Fleuri. Joueur de Rugby à Nevers, il a vu sa vocation naître en tenant la barre de la mêlée puis de radeaux fous qui descendaient la rivière. Pilier gauche avec un gabarit de trois quart, le garçon a montré là sa volonté de ne jamais plier devant les évidences.

Bien sûr, il y a des contreparties à pareille personnalité. Il est celui qui voulant m’initier à la navigation sur un gros bateau de bois, m’en a à jamais détourné. La leçon avait été rude, j’avais manqué de noyer notre Pirate de Loire tout en comprenant que je n’étais pas fait pour mener la manœuvre. Chacun à sa bonne place, Bibi me l’avait appris en me disant sans cesse : «  Ce n’est pas la Loire qui décide ! ». C’est ainsi que j’allais la raconter et lui laisser l’honneur de la dompter.

Sa place à lui est sur l’eau et en bateau, qu’importe les conditions et les distances à parcourir. Il a même poussé la folie jusqu’à rejoindre la Pologne en partant de chez lui et uniquement par les voies d’eau de notre Europe qui n’a pas encore renié tous ses canaux. Alors pour le Festival de Loire, il se fait un point d’honneur à venir en bateau quand presque tous les autres viennent par la route.

Les éditions précédentes, il descendait la Loire de Cuffy jusqu’à Orléans. La chose est bien trop aisée pour cet intrépide navigateur, même si deux centrales nucléaires se dressent sur ce trajet. L’une : Belleville sur Loire a prévu une écluse pour franchir son barrage, l’autre : Dampierre en Burly a installé un toboggan à bateau. Il arrive parfois que ce diable de marinier, saute les obstacles sans plus se soucier plus que ça des aménagements prévus.

Cette fois, alors que les cotes sont historiquement basses, que chacun s’interroge même sur la possibilité de naviguer, lui a voulu démontrer à la cantonade de quel bois il se chauffe. C’est paradoxalement avec un bateau coque métal de sa fabrication ; pas un petit mais un de taille fort respectable qu’il a entrepris la remonte depuis La Possonnière près d’Angers. À l’impossible nul à l’exception de Bibi n’est tenu !

Il s’est jeté à l’eau en se retroussant alternativement ou de concert, les manches et le bas du pantalon. Le HML Blandine passera, qu’importe les efforts qui lui en coûtent et les meurtrissures infligées à son embarcation. D’abord en famille puis avec des compagnons du même tonneau, il a entrepris un voyage qui relève des travaux d’Hercule. Il a déplacé des cailloux, installé sous les ponts des petits barrages éphémères pour gagner le droit de passer : des chevrettes, tiré au palan sa pesante toue cabanée, fait appel à la solidarité marinière pour le haler quand seule cette solution s’imposait. Il n’a pas ménagé ses efforts, ce n’est certes pas le genre de la maison.

À la bourde à la voile avec sa voile rallongée, au moteur plus rarement, il est venu jusqu’au pied du barrage de la centrale nucléaire de Saint Laurent. Là, EDF n’a rien prévu, État dans l’état, cette société se permet de barrer la Loire sans laisser de possibilité de passer. Un scandale de plus au royaume de l’électricité souveraine dans ce pays. Il n’y eut pas d’autre solution que de sortir le bateau sur la seule cale prévue en amont du barrage, de le charger sur une énorme remorque pour aller quelques dix kilomètres plus loin chercher la première cale aval car les Princes de l’énergie n’ont fait les choses qu’à moitié.

C’est là que je suis allé le rejoindre pour assister à la mise à l’eau. Il avait réuni tous les vrais amis de l’endroit, des gars qui naviguent et ne se contentent pas de défiler avec un chapeau d’apparat sur la tête. Il va reprendre son trajet, arrivera par l’eau quand les autres se feront gruter. Il sera suivi des quelques lascars de Meung sur Loire qui emboiteront son pas, emprunteront son sillage pour venir de la même manière au Festival. De l’autre côté, en aval, quelques-uns feront de même, bravant l’étiage et les cailloux qu’un petit Poucet a semé sur la rivière.

Le Festival pourra commencer, personne ne pourra prétendre que tous les bateaux sont venus par la route. Il y aura quelques irréductibles avec à leur tête, leur maître spirituel, l'inénarrable Bibi, marinier de la trempe des anciens et glorieux Seigneurs sur l’eau. Prenez bien garde à lui, car sur terre, il ne déroge pas à la règle : il n’y a pas plus vilain gueux que lui !

Admirativement sien.

 

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C
Magnifiques photos digne d'un professionnel et je trouve que les textes sont plus faciles à lire quand ils sont illustrés. <br /> On dirait que Georges est en pleine inspiration avec ses pieds en l'air.
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C
Jérôme<br /> <br /> Georges médite et c'est ainsi qu'il est le plus sage<br /> <br /> La photographie est un luxe trop complexe pour moi