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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Angeline

Surtout pas pour les démons.

 

Il est des prénoms qui ne trompent pas, le sien lui va comme un gant quand elle se présente sur scène, fluette et gracile, souriante et câline. De sa voix douce et enjôleuse, elle vous prend dans ses histoires écrites au scalpel. Vous ne pouvez que tomber sous le charme pourvu que vous preniez la peine d’entrer dans son univers, simplement en ouvrant votre cœur tout autant que vos oreilles. Hélas, autour de moi des dîneurs sont venus pour tout autre chose, discutant à haute-voix, riant aux éclats et se déplaçant sans le moindre regard pour la femme enfant égarée sur la grande scène.

Elle ouvre le bal, indifférente au brouhaha qui scandalise celui qui est venu se délecter de son tour de chant. « À vos marques », elle nous offre sans grand théâtre de Guignol, dans un débit fou de paroles sublimes, elle narre l’aventure de sa progéniture. Un accouchement douloureux tandis que les maxillaires mastiquent à qui mieux mieux. Pourtant en y prêtant attention, on découvre des faux airs d’Anne Sylvestre, pour peu que l’on connaisse cette grande dame de la chanson.

Puis elle se fait caillou qui entraîne dans sa chute, mots enchanteurs qui ricochent à plaisir. Elle est désert lumineux, des paroles légères qui ne demandent qu’à être écoutées. Aérienne et diaphane, Angeline envoûte et surprend les rares spectateurs attentifs. J’ai mal pour elle qui, imperturbable, tisse sa somptueuse partition. Elle tutoie les anges, tant pis pour les démons ! Ses mots sont du vent, ses paroles, c’est de l’eau qui quoi qu’il arrive, diffusent leur parfum enivrant.

Elle nous cueille une fois encore, du moins ceux qui respectent ce petit bout de femme admirable. Elle évoque une amie d’enfance, son accompagnateur nous propose un piano nostalgique tandis que l’émotion nous gagne. La copine est partie pour l’autre rive, elle revit au travers d’un récit qui donne des frissons.

L’émotion sera plus grande encore avec un texte d’une rare intensité évoquant les noms gravés sur les monuments aux morts. « Où vas-tu Louis ? ». Bien sûr, ceux qui font grand brouhaha ne sont pas responsables, la chanteuse est déplacée sur cette plage qui n’attend que des rythmes endiablés et des textes en anglais. C’est le lot du nombre qui viennent réclamer leurs suffrages sans se soucier d’être compris. Pauvre France qui se donne à la frénésie de chansons dont les paroles ne sont plus qu’un décor le plus souvent inaudible.

Tandis que le poilu est parti jouer à la marelle, découvrant l’enfer au lieu du paradis, Angeline poursuit sa guerre de tranchée face à un public en goguette. Elle nous propose des éclats de miel qui se perdent honteusement sur cette plage d’indifférence. Chanson sublime perdue dans les éclats de voix. Je suis au comble de l’indignation.

L’intime continue de nous prendre par la douceur. « Enfant printemps, ne te laisse pas prendre au trop grand désir d’amour de ta mère, sauve toi ! » Flamme éphémère d’une voix tendue comme un fil qui ne demande qu’à se briser, c’est pour l’amour du vent que la dame chante en dépit des circonstances. J’admire sa force de caractère, elle est entrée en chanson en se retroussant les manches, certaine qu’un jour, son travail d’orfèvre sera reconnu.

Elle maintiendra le cap en dépit des circonstances. Elle a rempli son contrat, illuminant de grâce ceux qui l’ont écoutée. La victoire au tremplin n’était pas pour elle. Qu’importe, elle triomphe dans quelques cœurs qui étaient ouverts. Pour les autres, rien n’avait d’importance vraiment. L’été n’est pas le temps des découvertes ni même du respect de l’artiste.

Combien d’autres se sont fracassés sur l’indifférence des estivants pour qui, les artistes ne sont que des façades plaisantes qui agrémentent leurs conversations de quelques notes incertaines. Angeline mérite beaucoup plus, des spectateurs attentifs dans une belle salle de spectacle. L’été n’est sans doute pas autre chose que la période du futile et de l’insipide, tout le contraire de ce qu’elle nous accorde de toute son âme.

Admirativement sien.

 

L’appel

 

Où es-tu donc Louis Ton prénom effacé,

Quelle nuit l’a englouti

Quel jour l’a dérobé

Louis, Clovis, Auguste, Anrtoine, Célestin,

Dans le marbre gravés, vos furtifs destins

Fleurs à peine jaillies

Butinées par l’appel

Où êtes-vous partis jouer à la marelle,

Jouer à la marelle ?


 

Jeunesses envolées

A la force de l’âge

En statues revenues d’un monstrueux voyage

De vos rires d’enfants éclaboussant le ciel

Il ne reste, à présent,

Que des éclats de miel

Que des éclats de miel

 

Je n’oublie pas, Baptiste,

La chanson des moulins

Te voilà sur la liste

Des morts pour... RIEN

Des enfants de la balle, sous les balles tombés

Je garde vos mémoires

Et le vent peut pleurer

Même si, de ton Histoire, moi, je connais si peu

Voici mon Au revoir, Mon Adieu

 

Entendez-vous cela,

Dieux engendreurs de larmes

Recevez-vous nos cris

Sous le bruit de vos armes

Nos listes qui s’élèvent vers vos cieux aveuglés

Qui ne sauront pas lire

Ceux qu’ils nous ont volés

Aurions-nous tant besoin de monuments aux morts

Si on ne croyait pas Si fort ?

 

Vous les garçons d’hier

Les garçons de toujours

Que la haine éternelle

Arrache à leurs amours

Et aux bras de leurs mères, sans se soucier des siècles

J’interroge vos noms, vos signatures de pierres : Seriez-vous là encore

Auriez-vous eu des fils

Les auriez-vous sauvés de l’odieux sacrifice

De l’odieux sacrifice ?


 

Je continue l’histoire,

J’invente un avenir

Si ce n’est pas cela qui vous f’ra revenir

Je grave une chanson pour ne pas oublier

Moi la fille, moi la mère,

Moi la femme effrayée

Moi la femme effrayée

 

Angeline Carrion

 

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