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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

La boutique à cent balles

Mon marché autrefois.
La boutique à cent balles
Mon pays d'En-France

 

 

Je me souviens d’un marché qui tous les lundis venait s'installer sous nos fenêtres. C’était alors jour de fête et de presse. Le village devenait soudainement le centre du Canton, le point de ralliement au-delà même de cette zone administrative. Les quatre boulevards étaient couverts de boutiques ambulantes, de camions vitrines et de stands dans un merveilleux capharnaüm mêlant tout ce qui peut se vendre ou presque.

Une fois par mois, des petits cochons étaient parqués le matin dans des petits enclos couverts de paille. Des hommes, un bâton à la main, une biaude noire en guise de veste et un chapeau sur la tête, faisaient commerce en se tapant dans la main ou bien autour d’une chopine à la Petite Auberge. Puis vers onze heures, des camions à bestiaux venaient charger ceux qui étaient venus plus modestement en bétaillères.

Plus loin, sous la halle couverte, la cloche retentissait pour ouvrir et fermer le marché aux volailles. Les plumes volaient un peu partout sous le caquètement incessant de celles qui allaient honorer la devise du bon roi Henri IV. Les normes européennes et la grippe aviaire n’avaient pas encore imposé leurs règles tandis que les Vegans n’étaient qu’une lointaine hypothèse.

Puis le grand marché prenait le relais sur près de cinq cents mètres de long. Mais parmi toutes ces boutiques, une surtout attirait ma curiosité et ma convoitise : « la boutique à cent balles ». Depuis longtemps déjà les anciens francs avaient laissé la place au franc lourd mais l'appellation ne changea jamais dans l’esprit des clients. Il y avait de tout et à pas cher sur ce fameux étalage, fort étalé du reste.

Un long semi-remorque ouvrait ses flancs pour constituer un axe central autour duquel, deux rangées extérieures amassaient encore des marchandises incertaines, improbables et forcément à petit prix. Le déballage et le remballage de ce monstre me fascinaient. Un travail de fourmi qui prenait une bonne heure au moins afin de libérer des entrailles du monstre tout ce qui pouvait se vendre.

Les gros objets du reste ne manquaient pas et occupaient la périphérie tandis que sur les étalages intérieurs, une multitude de petites pièces attiraient les regards des chalands. Ils étaient d’ailleurs si nombreux qu’il était bien difficile d’approcher quand le marché battait son plein. Pour moi, j’en faisais le tour, des étoiles plein les yeux, lors de l'accalmie méridienne.

C’était alors le moment de repérer la babiole indispensable sur le moment qui allait provoquer un achat inconsidéré, en, dois-je vous l’avouer, prenant quelques pièces, dans la caisse de la boutique. Je devine aujourd’hui que mes parents n’étaient pas dupes du petit larcin quand ils me voyaient revenir avec ce qu’on appellera plus tard un gadget.

Naturellement, le jouet en plastique à moins qu’il ne fut qu’en toc, ne résistait pas très long et rares furent ceux qui survivaient jusqu’au lundi suivant. J’ai d’ailleurs grand peine à me souvenir de ces achats d’un jour, tous plus compulsifs et dérisoires. Un pistolet à billes, les deux boules tac-tac qui me brisèrent les doigts, un moulin à vent pour fixer à ma bicyclette, un jeu de fléchettes ventouses, …

De tout ce qui était proposé je me rappelle bien plus les petites revues, entre bandes dessinées et romans photos, au demi-format, qui narraient des aventures d’indiens et de cow-boys, avec des dessins et noir et blanc et des textes coincés dans de misérables bulles. Ce fut pourtant mes premiers livres, ceux qui me conduisirent plus tard vers la librairie de Madeleine. La boutique à cent balles m’avait ouvert la porte de l’écrit.

Les ménagères arrivaient ensuite, se précipitant sur les lessiveuses, les énormes bassines que l’on ne trouvait que là, des balais de toutes les formes et un bazar incroyable qui faisait la joie de tous. Les hommes quant à eux se penchaient sur le rayon bricolage avec un choix d’outils qui jamais ne m’inspirèrent.

En pleine après-midi, l’agitation était grande autour de la boutique ambulante. Les cris des vendeurs, leur manière de haranguer les clients ne pouvaient passer inaperçue. Les commères discutaient, formant attroupement elles aussi tandis que les hommes arrivaient pour emporter un achat encombrant dans le coffre de l’automobile, garée bien plus loin dans le quartier Saint François.

Puis le soir venu – le marché s’étalait sur toute la journée - les vendeurs rangeaient méticuleusement cet immense désordre qui miraculeusement retrouvait sa place dans les entrailles du camion. Je crois bien que c’était ce qui me fascinait le plus dans cette boutique à laquelle je dois sans doute ma fascination pour les Bonimenteurs. À la place de la boutique à cent balles aujourd’hui, un étalage de vêtements qui n’a sans aucun doute pas le même charme pour les gamins d’aujourd’hui !

Bonimenteurement leur.

La boutique à cent balles
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