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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

À fleuret moucheté

Les joutes verbales

À fleuret moucheté

Sur le fil des mots ...

 

 

Les échanges de commentaires sur ce filet (net) dans lequel l’homo-sapiens se prend régulièrement les pieds ont ceci de paradoxal qu’ils se tiennent le plus souvent entre gens du même avis. On s’applaudit, on se congratule, on se félicite de bien penser, on enfonce le clou surtout là où ça fait mal chez les autres, les mal-pensants d’en face. Quelques signes cabalistiques remplacent l’argument, le pouce se colore, pointe le bout de son nez quand votre correspondant n’a rien de mieux à dire. D’autres se plaisent à user d’abréviations ou pire encore de sigles, pour affirmer leur capacité à synthétiser leur pensée le plus souvent au travers d’anglicismes triomphants.

Le propos demeure aimable puisque l’opinion se partage sans nuance entre pareils. La toile n’est d’ailleurs pas le lieu rêvé pour la subtilité. Ici, c’est avec de très gros sabots qu’il convient de s’exprimer du bout des doigts. Le vite, le cinglant, le lapidaire sont non seulement recommandés mais le plus sûr chemin pour être compris. L’image est d’ailleurs préférable aux mots. La communication se réduit au minimum.

Parfois, des opposants égarés viennent vous titiller. C’est assez rare car entre gens de pensées divergentes, on évite soigneusement de se coopter, de se déclarer ami ou bien connaissance. C’est le hasard d’un ami commun qui parfois vous place sur le chemin d’un individu qui se trouve à l’opposé d’un échiquier politique qui multiplie désormais les possibles. C’est alors le choc, la confrontation sans nuance. Le propos se fait acerbe, ironique plus rarement ; voilà un luxe rare au royaume du commentaire cassant.

L’échange tourne vite au vinaigre. Les répliques se font assassines, l’insulte s’invite rapidement. Il convient d’admettre que le manque de vocabulaire pousse immanquablement au dérapage verbal tandis que la concision implique la réplique qui cingle. Le débat prend des allures de bataille de poissonniers. On s’envoie à la face des méchantes saillies à défaut de poisson pas frais.

La toile sent alors la marée, l’échange se tient au creux de la vague. Un quidam vient se mêler à la querelle, il ajoute son grain de sel, du lourd, du copieux. Une bataille de chiffonniers désormais qui enfle et se propage comme une traînée de poudre qui met le feu à la page. C’est le succès garanti pour celui qui a ouvert ce qu’il pense être un débat. Il est vrai que la qualité des arguments s’apparente aux échanges de l’assemblée nationale. L’exemple venant d’en haut, les citoyens se mettent rapidement au niveau.

Je te blesse, tu me maudis, il l’invective, elle le brocarde, nous nous vilipendons, vous vous harpaillez, ils s'injurient, elles l’outragent… L’argot vient au secours de la querelle avec son lot d’expressions du caniveau. On se traîne dans la boue, on se rabaisse plus bas que terre dans une élévation des mauvais sentiments qui impressionne ! C’est du grand art en quelques lignes à la syntaxe aussi incertaine que le propos est inélégant.

Et tout cela se passe dans ce qu’on appelle abusivement les réseaux sociaux. Si les gros mots font réseaux, ils se montrent fort peu sociaux, avouons-le. C’est la face hideuse du bouc en mal de la chèvre expiatoire ! C’est les bas fonds des latrines de la raison. C’est l’expression d’une société en capilotade. On s’engueule par écrit faute de pouvoir se parler vraiment dans un univers de la communication pour ripoux.

Le Pancrace retrouve ses droits. Tous les mauvais coups sont recommandés surtout s’ils se tiennent sous la ceinture. Le duel n’est certes plus à fleuret moucheté et les lames ne sont plus depuis longtemps fines. La grossièreté est la règle tandis que l’humour devient un lourd handicap. Qui se fend d’une botte ou d’une saillie risque fort de tomber à côté, de brasser de l’air et surtout de ne pas être compris.

L’outrecuidance étant la règle, le bretteur force le trait, se fait arrogant, blessant, fat et grossier à la fois. L’autre se met au niveau et l’algarade demeure fort heureusement verbale faute de pouvoir tomber sur son adversaire à bras raccourcis. C’est d’ailleurs la pensée qui rétrécit, s’étiole, se dissout totalement dans ce jeu de dupe qu’on considère bien à tort relever de la communication.

Quand les mots manquent aux rivaux, les icônes surgissent. L’expression la plus réduite si c’était possible de la fulgurance du verbe contemporain. C’est alors qu’il convient de s’alarmer de ce retour à la l’art pariétal. Les humains, du tréfonds de leurs grottes se lancent des petits dessins ridicules à défaut de cailloux. C’est sans doute un progrès, je vous le consens afin de ne blesser personne.

Commentairement leur.

À fleuret moucheté
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