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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Le plus beau village de France.

L’envers du décor

Le plus beau village de France.

Les marchands du temple

 

 

Ce petit village a conservé intact le cachet d’antan. Il vous propose des bâtisses qui toutes identiques, marquent clairement leur appartenance à une région et un style caractéristique. L’unité architecturale s’impose au regard. L’église impressionne elle aussi tout autant par sa sobriété que par la spiritualité qui s’en dégage. Les rues sont demeurées étroites et pavées. L’automobile est chassée de l’endroit.

Le village se préserve de la modernité en imposant aux visiteurs la marche à pied. Un parking les contraint à laisser camping-car, voiture ou motocyclette à l’extérieur de l'enceinte sacrée. La foule se presse, l’appareil photographique en bandoulière. Quelques artistes profitent de l’aubaine pour faire la manche, ils sont filmés, sans doute font-ils couleur locale.

Le village baigne dans le jus d’une époque révolue. Pourtant un petit détail vient briser l’impression initiale. Les maisons comportent toutes ou presque, des échoppes à leur rez-de-chaussée. Le village si typique est en fait une galerie commerciale qui regorge de produits incertains, douteux, onéreux et sans doute déplacés dans ce bel écrin.

L’artisanat se taille la part du lion. Un village médiéval devrait certes avoir ses compagnons, mais que diable, pourquoi fabriquent-ils tous des bijoux, si semblables d’un lieu à l’autre ? Potiers et céramistes sont si nombreux qu’on peut se demander s’il en existe en dehors de ces villages estampillés. Les tisserands, les maroquiniers, les brodeuses et les sabotiers ne peuvent manquer à l’appel. Le typique a besoin d’eux tout autant que des spécialistes de la gastronomie.

C’est là que le touriste parvient à déterminer véritablement où il se trouve. Les produits régionaux sont incontournables, ils sont célébrés par des visiteurs qui en ont souvent plein la bouche. Les tavernes tentent elles aussi de se plier à la couleur locale. Elles y parviennent plus ou moins tandis que les glaciers ne peuvent faire oublier que la profession n’avait sans doute pas pignon sur rue en ce temps-là.

D’autres propositions font alors tâche dans le décor. Elles proposent des luminaires, des gadgets, des choses si excentriques que l’amateur d’histoire se demande sincèrement quelle mouche a piqué celui ou celle qui brise ainsi l’illusion chronologique. Les musiciens de rue avec leur amplification, participent eux aussi à cette uchronie qui ne dérange personne.

Les créateurs sont légion, à croire que dans le passé, chaque village devait disposer de peintres et de sculpteurs. Les tableaux sont exposés dans des pièces sombres et mal éclairées. Les prix interrogent le curieux. Mais qui peut bien s’offrir pareille folie surtout lors de vacances durant lesquelles le coffre est rarement vide ?

Les visiteurs entrent, regardent et sortent. Ils ne retiendront du village que cette succession de magasins. Le typique n’est qu’un décor qui justifie la présence de tout ce joli monde prompt à vous vider la bourse. Bien peu de panneaux retracent la vie d’antan. La pédagogie se limite souvent à une plaquette disponible à l’office de tourisme. L’essentiel est ailleurs, dans cette kyrielle de boutiques plus ou moins fréquentables.

Car le toc, le fait en Chine, le factice ont pignon sur rue. Si les critères semblent rigoureux pour obtenir le label : « Plus beau village de France » la mansuétude règne pour l’implantation de toutes ces échoppes incertaines. Comment s’en indigner ? C’est souvent ce qui restera dans les têtes de nos visiteurs d’un jour. Ils vont de l’une à l’autre, consciencieusement sans en manquer une seule, oubliant de s’émerveiller de l’architecture d'un village merveilleusement bien conservé.

Il faudrait envisager d’ouvrir des centres commerciaux dans des univers de carton pâte, avec quelques figurants qui erreraient parmi la foule des acheteurs pour avoir un succès garanti. Mais suis-je bête, cela doit déjà exister. En attendant, je quitte ce beau village avec une étrange impression, un malaise qui me laisse un goût amer. Qu’ont-ils fait de ce superbe joyau ? J’en suis malade.

Touristiquement leur.

Le plus beau village de France.
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