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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

La liesse ou la détresse.

Seul le résultat compte …

La liesse ou la détresse.

Pile ou farce.

 

 

Où est désormais le bel esprit chevaleresque qui animait jadis les sportifs ? On peut le déplorer mais certes pas s’en étonner tant les enjeux financiers et politiques prennent le pas sur le beau geste, le spectacle et les valeurs. Seul le résultat compte, qu’importe la stratégie pourvu qu’au final, elle vous permette de lever les bras au ciel tout en enflammant une flopée d’agités du bocal, prompts à s’enthousiasmer sans raison objective ni même la plus petite expertise sur le sujet.

Car telle est la leçon de cette Coupe du Monde qui met en transe tout autant qu’en liesse, la nation qui l’emporte tandis que dans l’autre camp, c’est le désespoir et la détresse. Les rires, la beuverie, les chants délirants d’un côté, les larmes, les tristes mines et les regrets éternels de l’autre. Si au moins le spectacle en avait valu la chandelle, s’il avait offert auparavant des émotions mais pas seulement, des envolées, du suspens, de l’intensité, des beaux gestes et tout cela dans le plus bel esprit de loyauté.

Hélas, c’est exactement l’inverse. À de rares exceptions près, la victoire choisit le camp des calculateurs, des prudents, des comédiens, des truqueurs. Il suffit de marquer les premiers puis de faire durer, de singer, de casser le rythme, de jouer à la passe à dix pour finir par déclencher l’hystérie parmi une foule qui se moque de la manière pourvu qu’elle dispose du bonheur de l’ivresse finale. Le sport est ainsi devenu la porte d’entrée à tous les abus, rien n’est pire pour la santé d’un peuple qu’une campagne victorieuse de son équipe.

Bien sûr, tout cela se passe non seulement avec la complicité et l’exploitation des élites, président en tête, feignant la fête pour se frotter les mains avant que de préparer les plus sales coups par derrière, qui passeront inaperçus dans l’euphorie générale, mais bien en suivant un calcul honteux digne des antiques jeux du Cirque. Le pain se transforme en bière, de celle qui enterre définitivement l’esprit des lumières ...

Ces temps sont décadents, même si on peut se réjouir en pensant qu’ils précèdent nécessairement l’effondrement d’un système qui en est réduit à cette caricature de gouvernance pour perdurer encore quelque temps. La victoire à tout prix, c’est donc aussi la devise de tous ceux qui ont intérêt à abrutir le peuple, à lui ôter tout esprit critique, à le priver de la capacité de penser par lui-même.

Je pense cependant qu’il convient d’apporter une nuance à mon propos. Quand j’écris que seul le résultat compte, je commets une grave erreur d’analyse. Ils sont nombreux en effet à compter les bénéfices, l’argent qui rentre sur le dos d’un peuple transformé en bête à consommer à chaque occasion. L’état qui s’empresse de soutenir des gens qui ne paient même pas leurs impôts au pays, les équipementiers qui exploitent la misère quelque part dans un pays qui leur sert de réserve à esclaves modernes avant de vendre hors de prix un maillot qui vaudrait tout juste trois francs six sous en temps normal, des limonadiers qui se frottent les mains en favorisant l’ivresse publique, les élus locaux qui s'approprient sans honte bue le succès de l’équipe nationale, les annonceurs publicitaires, les diffuseurs et tant d’autres encore.

Tout ce joli monde qui au fond de soi a le plus profond mépris pour le peuple et qui le moment venu, se mêle à la plèbe (à distance cependant et avec des cohortes de gardes du corps), pour profiter pleinement de la vague délirante, la suscitant, la facilitant même en l’instrumentalisant à son profit et en fermant les yeux sur les innombrables entorses à la loi que suppose cette pantomime. Ils comptent eux aussi sur le succès, la victoire n’est belle que parce qu’elle leur rapporte, les sert et leur permet de continuer durablement à abrutir et asservir les masses.

Quant aux masses, quelle misère, quelle indignité à se comporter ainsi. Il en faut des renoncements pour s’exhiber de la sorte, brailler honteusement, se reconnaître dans la foule en délire, comme si ce n’était pas la pire expression de la bêtise humaine. Si au moins, il y avait matière à s’extasier, mais le plus souvent, tout ceci prend prétexte d’un jeu soporifique, ennuyeux à s’endormir si les voisins ne hurlaient pas de l’autre côté du mur ou dans la rue.

Dimanche soir, ce sera donc une nouvelle hystérie collective ou bien la Bérézina (méfions-nous, nous sommes en Russie). Il n’y a pas place à un autre choix que la liesse ou la détresse. Pauvres de nous qui en sommes rendus à cette pitoyable manière de nous retrouver uniquement pour de telles médiocres raisons. Il y aurait bien des motifs de se retrouver dans la rue, unis et conquérants, pour rêver d’un monde meilleur. Ce n’est pas derrière des millionnaires en short que l’on risque de changer la face du monde, c’est la seule certitude dans cette comédie.

 

Ennuyeusement leur.

La liesse ou la détresse.
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