Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.
14 Juin 2018
Rien qu’aux mollets …
Il y a de l'électricité dans l'air !
On nous prend pour des gogos montés sur ressorts, prêts à bondir sur la dernière innovation qui permettra d’enrichir quelques marchands et de faire tourner à plein régime la machine infernale qui nous conduit à notre perte. Le vélo électrique est dans cette belle catégorie des illusions factices, des leurres qui sortent du cadre raisonnable en dépit d’apparences flatteuses et d’avantages certains quand on se laisse prendre aux astuces de ses promoteurs.
La bicyclette restera pour moi le côté face de la petite reine tandis que le vélo en sera le côté pile atomique, le revers de la médaille pour un usager qui renonce à la seule traction humaine. Bien sûr, on va me rétorquer qu’avec l’âge, l’inclinaison du sol, la charge de l’engin, la force du vent, l’assistance électrique est une merveilleuse idée. Je ne le nierais pas si le corollaire de la suppléance du mollet ne se dissimulait pas dans les maudites centrales nucléaires qui défigurent notre Loire.
Alors là, vous comprenez mieux que la roue libre vous enferme dans un terrible engrenage. La roue tourne sans effort et l’atome crochu que vous pensez avoir avec la belle nature que vous admirez durant votre balade se transforme en noyau dur de la menace éternelle. Vous vous faites ainsi complices de la mafia nucléaire, prompte à promouvoir le tout électrique sans raisonnement durable.
Et pourquoi donc ? Pour aller plus vite ! Le vélo fera bientôt son tour de France à des moyennes toujours plus rapides. Faites donc comme les forçats de la route, usez de produits dopants pour augmenter vos cadences mais de grâce, n’ayez aucune fuite radioactive avec ces diables d’EDF. Le vélo vous pousse toujours plus vite, vous conduit à mettre des déguisements aux couleurs incertaines et à l’esthétique douteuse tandis que la bicyclette vous accepte tel que vous êtes sans vous prier d’appuyer sur les pédales de manière déraisonnable.
Bientôt, vous allez voir surgir des bornes électriques sur le trajet de la Loire à vélo afin de recharger les accus des stakhanovistes du tourisme, ceux qui doivent aller toujours plus vite et plus loin pour tout voir sans jamais rien regarder. Je pense même que ces bornes arriveront avant les points sanitaires, qui font parfois cruellement défaut sur le parcours. Ce monde marche sur la tête et roule à contre sens.
L’éloge de la lenteur, c’est la bicyclette tandis que le vélo vient se mêler désormais à la course à la destruction de notre planète, prenant depuis peu le relais des autres engins à moteur, grands fossoyeurs de la nature. Repoussez cette perspective, prenez le parti du col de cygne, de la bicyclette élégante et lascive, du guidon droit et de la tenue endimanchée.
Flânez, humez l’air, profitez du paysage, jouissez de l’instant présent y compris en vous égarant en galante compagnie dans quelque fourré bienveillant. Partez de bon matin avec Paulette, admirez sa grâce et sa robe blanche qui flotte au vent. Elle est bien plus attirante que Lucienne, tout en vêtements synthétiques, ajustés au corps et assistée d’un moteur qui vous interdit de lui courir après.
Ne prenez pas par-dessus la jambe cette défense de la bicyclette ! Céder à l’envie de se la couler douce avec le moteur, c’est briser la magie de la Petite Reine tout en rentrant de plain-pied dans un monde sans espoir. Rechargez vos batteries par la seule jubilation de la tranquillité, de l’admiration, de la douce itinérance. La bicyclette doit être jubilatoire et lente, paisible et coquine.
Vous allez voir que bientôt il y aura des contrôles de vitesse pour les cyclistes, électrifiés par le désir d’aller toujours plus vite. Pourquoi céder ainsi à cette folie ? Contentez-vous d’aller le nez au vent, la tête libre, sans ce maudit casque qui vous grime et vous transforme en pilote de course. La bicyclette doit échapper à cette farce, elle n’a pas besoin de rentrer dans cette course effrénée au déguisement sportif bariolé.
Le mollet galbé ou pas, le buste droit, le regard au loin, allez lentement sur les chemins, profitez de l’instant sans vous soucier de la moyenne ni de la distance. Oubliez le compteur, laissez tomber le casque et le cuissard, les maillots publicitaires et les produits énergisants. La bicyclette vous invite à une paresseuse balade, à une tranquille découverte de la nature. Déconnectez-vous et débranchez donc la pile, laissez votre vélo au clou et reprenez votre vieille bicyclette !
Bicyclettement vôtre.