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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

De quoi la faire tourner en bourrique.

La légende de Saint Senoch

De quoi la faire tourner en bourrique.

Du miel et des plumes ...
 

 

Au lieu-dit La Fontaine, sourdent plusieurs sources, qui forment le ru de La Fontaine lequel avant d’aller grossir l’Estrigueil a connu une bien curieuse histoire. L’une de ces sources, plus mystérieuse que les autres jaillit d’une profonde cavité que les gens du pays continuent de nommer la cave du diable. Satan n’avait sans doute pas bon vin de Touraine dans l’endroit, même si ce nectar fait tourner la tête et perdre parfois la raison, mais ceci est une autre histoire …

En cette époque lointaine vivait un couple, des braves paysans attachés à la terre du Seigneur Apremont. Leur vie était rude, le labeur harassant et les satisfactions moins nombreuses que les peines. Il en allait toujours ainsi pour ces pauvres bougres qu’on disait alors colons quand ils étaient attachés à une terre qui ne leur appartenait pas. Voilà une époque qui ne s’honorait pas de justice sociale.

Nous sommes en 566 et Sénoch s’en va aux champs, la houe sur l’épaule. Il est très tôt, le soleil vient juste de se lever et une brume enveloppe le paysage. Pourtant, c’est dans le lointain que le brave paysan aperçoit un fort bel homme, brassant à ce qui lui semble, de nombreuses pièces en or. Nullement gêné par sa présence, le personnage mystérieux ne cherche pas à se cacher, bien au contraire.

Sénoch arrive à sa hauteur. Il est frappé par le regard étrange de cet homme, son visage émacié et ses yeux brûlants de fièvre. L’inconnu continue de brasser les pièces en s’adressant à notre ami : « J’ai une proposition à vous faire, monsieur le vilain, vous qui lorgnez ainsi sur mon or. Nous allons nous donner rendez-vous ici, demain à la même heure tous deux accompagnés d’une bête la plus curieuse possible. Si vous identifiez mon animal, la moitié de mon Or sera vôtre mais si j’identifie le vôtre, vous m’appartiendrez corps et âme ! »

Sénoch avait compris à qui il avait à faire. Sa vie misérable valait bien de tenter le diable et sans doute de chercher à le leurrer. Il accepta ce marché, ne se doutant pas des conséquences qui découleraient de cette folie. L’appât du gain, l’envie de changer le cours de son existence, la conviction d’être plus rusé que le Malin, avaient emporté sa conviction ; il accepta le pari.

Le laboureur rentra chez lui. Il expliqua à son épouse, la Jacquenote, la petite farce qu’il voulait jouer aux gens du pays. Il n’évoqua naturellement pas le curieux personnage qui l’avait mis au défi, il se contenta de lui faire croire qu’il voulait se distraire et amuser les autres colons de l’endroit. La femme, obéissante et naïve, se prêta à la supercherie de bon cœur en dépit des demandes extravagantes de son compagnon.

Sénoch demanda à Jacquenotte de se dévêtir totalement, de s’enduire le corps de miel puis de se rouler ainsi dans les plumes et le duvet des oies qu’ils avaient récoltés pour se constituer un bon édredon en prévision de l’hiver. Il lui passa un collier autour du cou, lui demanda d’aller à quatre pattes et tandis qu’il la menait au licol vers le lieu du contrat, il lui manda de pousser des cris étranges.

C’est en cet équipage insolite que notre homme se présenta devant le diable. Celui-ci s’était contenté de glisser une chèvre dans une peau de mouton. Notre paysan déjoua bien vite la ruse, il poussa le cri qui lui permettait de rassembler les biquettes, et l’animal lui répondit dans l’instant. La première partie avait tourné à son avantage. C’était maintenant au diable de reconnaître l’animal que Senoch tenait par un licol.

Jacquenotte poussait de tels cris, humiliée qu’elle était de se montrer ainsi devant cet homme tout autant qu’effrayée de la tournure des événements que le diable ne sut à quel saint se vouer. Jamais il n’avait vu volaille portant mamelles, le diable en la circonstance manqua de jugeote et de connaissances zoologiques.

Le diable s’exclama : « Quel bien curieux animal me montrez-vous présentement. Jamais je n’avons croisé pareil quadrupède à plumes. D’où tenez-vous ce « bestiau » au croupion qui me rappelle bien quelques diablesses de ma connaissance ? Il pousse des cris qui me font penser au goret qu’on égorge, sa démarche m’intrigue et je reste interdit devant ce mystère que je ne saurais nommer ! »

Sénoch avait emporté son pari; il avait vaincu le démon et empocha une fortune considérable. Le diable s’était montré bon joueur, c’est du moins ce qu’il laissa croire. L’homme et son animal rentrèrent chez eux, lui très heureux du vilain tour qu’il avait joué, elle parfaitement scandalisée de ce que lui avait demandé de faire son mari.

La suite aurait pu être délectable pour notre couple. Hélas, Satan avait une autre carte dans sa manche. La femme ne tarda pas à être prise de fièvre et de langueur. Malgré les plumes, elle avait attrapé la mort et celle-ci la cueillit avant que le soleil ne se couche. Sénoch était dans la même journée riche et veuf, un triste épilogue en somme.

Il se jura de ne point profiter pour lui même de cet argent diabolique. L’homme abandonna le seigneur d’Apremont et se fit ermite. Il confia le trésor qui était cause de son malheur et de sa conversion à des moines pour qu’ils édifient une église en ce lieu. Voilà la triste fin de cette histoire, il ne fait jamais bon affronter le diable, Sénoch l’avait payé de la vie de la pauvre Jacquenotte.

Volaillement sien.

 

De quoi la faire tourner en bourrique.
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