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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Où cours-je ?

Question existentielle

Où cours-je ?

Portrait

 

En cette période où le cucurbitacée est à l’honneur, joue même les lumières pour éclairer nos peurs et nos angoisses, il me semble naturel de me poser cette question le temps de m’arrêter quelques instants au bord du chemin. N’ai-je d’ailleurs jamais rien fait d’autre que courir, après je ne sais quoi ou bien je ne sais qui ?

Je me souviens ainsi de mon enfance. J’ignorais tout de la marche, chose étrange qui me semblait réservée aux grandes personnes, celles qui avait cessé d’aller le nez au vent, avançant bien trop sérieusement dans l’existence. Je courais ou bien je faisais de la bicyclette mais jamais je ne me déplaçais dans les rues de ma petite ville autrement qu’en forçant le pas, en allant d’un pas aérien vers une destination qui ne savait attendre.

J’allais chercher le pain en courant, je retrouvais mes copains en faisant de même. Je ne me déplaçais pas, je filais pour que se réduise au minimum l’intervalle de temps qui me séparait de mon point de départ à mon but à atteindre. C’est ainsi que je fis connaissance avec l’impatience, cette éternelle compagne qui me prive à jamais de sérénité.

Adolescent, je devins un coureur à pied, non par talent, ma préférence allant vers le sprint pour lequel, semble-t-il j’avais quelques prédispositions, mais par nécessité après un petit soucis physique. Je dévorai les kilomètres en un temps où ce n’était alors que de la course à pied, sans mot anglais ni équipement sophistiqué. Cela dura longtemps, très longtemps même jusqu’à ce que des tendons d’Achille récalcitrants vinrent interrompre cette habitude.

Je remplaçais la course par la marche à la condition de la rendre lointaine, au long cours, une aventure humaine faite de rencontres et d’improbable. Je commençais donc à courir autrement et après autre chose que la route qui défile. Il y avait l’écriture en toile de fond, le récit détaillé des rencontres, des sensations, des anecdotes et la course effrénée vers un lectorat fugace.

Je courais après une gloire illusoire ou bien quelques jupons que j’avais fort peu de chance d’atteindre, faisant tout pour fuir les passages obligés de cette vanité dérisoire. Mais, toujours aussi gonflé d’orgueil que de contradiction, ma course ne cessait guère. Vous en avez sous les yeux le plus bel exemple avec l’un de ces billets quotidiens que j’écris ainsi sans jamais lever le pied ni le stylo depuis bientôt dix ans.

La course avait débuté ailleurs également, dans le monde sportif où je jouais les imposteurs de service, revendiquant des compétences qui n’étaient sans doute pas les miennes. Cependant, à ce jeu de dupe, je me montrais plus habile que les autres car ce sont eux que je faisais courir tandis que je surveillais leurs agitations désespérées avec un chronomètre. Je les faisais marcher en les faisant courir.

La chute fut plus terrible encore. La course immobile vous prive d’équilibre, je ne pouvais que me retrouver à terre, le nez dans la poussière ou le gazon, l’ambition en capilotade. Il me fallait reconstruire un nouveau champs de course, une nouvelle arène où battre de la semelle et rêver à des grands desseins.

La scène remplaça le stade, la Loire bouta le rugby de ma vie. Je courais vers d’autres destinations, cette fois, il n’y avait plus d’intermédiaires, je ne pouvais me cacher derrière ceux que j’avais couché sur une feuille de match. J’étais seul à m’agiter avec mes inquiétudes, mes doutes, mes freins. Il n’est rien de pire qu’un frein quand on veut courir après soi-même sans jamais prendre le temps de se retourner.

Le temps est venu désormais de décompter celui qui reste, de cesser de filer, insouciant vers des ailleurs incertains. L’inertie de l’âge, des douleurs, des regrets, des échecs est de plus en plus évidente. Le mouvement cesse d’aller de soi, je suis englué par mes doutes et mes erreurs. Je ne cours plus, je piétine et parfois je recule. Je manque d’allure en somme.

Alors, au bout de ce billet qui tourne en rond, je n’ai toujours pas de réponse à moins que la seule qui convienne soit la même pour chacun de nous. Je me traîne vaille que vaille jusqu’à la ligne d’arrivée, celle pour laquelle il n’est pas besoin de lever les bras au ciel. Encore heureux si je puis la franchir sur mes deux jambes et avec un peu de vitesse. La lente érosion des capacités physiques privant bon nombre des participants à ce marathon de la vie de cette ultime victoire sur la camarde : partir la tête haute sur ses deux pieds.

Je ne vous ai pas fait marcher, j’avais besoin de coucher sur le papier ce texte absurde et impudique. Je cours encore mais je ne sais plus vraiment vers quoi. Je crains qu’un mur se dresse sur mon chemin, c’est du moins le sentiment de l’heure. Me voilà à bout de course et de mots, le souffle court, les jambes lourdes, la tête vide, je perçois la vacuité de cette vaine agitation. N’est-ce pas au final, qu’un mouvement immobile qui s’achèvera pas mes inévitables points de suspension ? Qui sait ...

Fugacement votre.

Où cours-je ?
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