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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Je conte pour du beurre.

Sans les épinards …

Je conte pour du beurre.

Pour faire chou blanc 

 

La fête bat son plein ; les gens vont et viennent. Ils passent d’un stand à l’autre, l’œil guère curieux et l’envie de ne point trop dépenser. Il convient de s’y résoudre : le pouvoir d’achat est en berne, les sollicitations multiples n’y pourront rien changer. On se serre la ceinture et, curieusement, ce sont les boutiques alimentaires qui, seules, résistent à la morosité ambiante.

 

La frite a toujours la cote. Non seulement, elle parfume la fête mais elle lui apporte aussi ce petit côté champêtre qui fleure bon la sortie entre amis. Les boissons coulent à flot et les glaces dégoulinent de leurs cornets. Le soleil est de la partie ; ils donne aux visiteurs quelques couleurs et l’envie furieuse de profiter des derniers rayons avant le long tunnel de grisaille qui s’annonce.

 

Le chaland déambule ; c’est bien là sa principale activité. Il picore, il pince les lèvres, il pérégrine sans but, promène son ennui, il s’arrête quelques instants, regarde d’un air distrait puis poursuit sa route à la recherche d’il ne sait quoi. Les mains, dans les poches pour les hommes, tenant fermement le sac pour les femmes, il y a comme une désespérante nécessité de vaquer puisque c’est ainsi qu’il convient de faire.

 

Les marchands conservent tant bien que mal leur sourire. Quelques fronts se plissent :  «  Les affaires ne sont plus ce qu’elles étaient, mon bon monsieur ». Il faut cependant faire bonne figure aux plus aventureux qui osent encore s’arrêter au stand, l’air intéressé. L’espoir fait vivre : il faut renseigner, informer, convaincre. Le marchand vante une marchandise qui sera à l’identique deux allées plus loin et surtout, sur internet, livrée à la maison pour toujours moins cher.

 

La foire n’est plus une bonne affaire. C’est l’exposition documentée de l’achat futur au-delà des écrans. Le commerce est au creux de la vague et celui du livre touche le fond. Rares sont les curieux qui franchissent le seuil de l’espace culturel. Souvent, c’est le détour qu’on ne fait pas, l’endroit à éviter, l'incongruité au pays du consumérisme. D’autres prétendent qu’ils ne lisent plus, pas ou bien jamais. Il y a une multitude de raisons : le manque de temps, le prix du livre, les caractères trop petits pour la vue qui baisse, le travail qui dévore l’existence, la télévision qui prend le reste.

 

Il faut pourtant ne pas se décourager et promettre monts et merveilles à la lecture de ce bel ouvrage. Le marasme est tel que je fais chantage : un conte pour l’achat d’un livre. Tout le monde en profite et qu’importe le livre, je respecte ma promesse. Les badauds s’arrêtent, on m’écoute, il y a quelques réactions, le silence se fait. C’est une évidence : la magie opère ; le conte plaît quand on l’écoute …

 

Aussitôt la dernière phrase prononcée, le petit groupe se disperse. La peur sans doute d’être sollicité, interpellé, apostrophé. Il n’est pas question de savoir quel est ce pitre qui a ainsi fait le guignol. Les dos se tournent ; le mouvement se poursuit loin du Bonimenteur qui reste le bec dans l’eau. Il a conté pour du beurre : de celui qui fond sans jamais pouvoir donner meilleur goût aux épinards.

 

La prochaine vente sera l'occasion du même spectacle désolant. Les oiseaux se dispersent quand ils ont pris leur becquée. Je constate, d’animation en animation, que le conte se vend bien plus mal que le roman. Voilà bien un genre qui ne passe qu’à l’oral, en dépit d’une réticence spontanée à rentrer dans un monde que les adultes pensent ne pas être pour eux.

 

Je conte pour du beurre. Qu’importe puisque tel est mon bon plaisir. Je dois renoncer à croire aux ventes exceptionnelles. Le troisième recueil risque fort de ne jamais voir le jour, à moins que l’on me tende une perche. C’est ainsi qu’on grandit en prenant des claques. C’est le sourire aux lèvres que je retourne à la foire. Sera-ce mon chant du cygne ?

 

Et curieusement, le lendemain ce fut différent. Il est vrai que j’étais passé à la radio et qu’ainsi, je n’étais plus n’importe qui .. Les ventes se firent sans pour autant crever le plafond. Le public écouta sans crainte les excentricités de l’homme au béret. Merci France Bleu et Catherine C... ! C’est ainsi que jamais rien n’est certain dans ce domaine ; il me faut apprendre à relativiser. C’est, hélas, une rude épreuve pour moi : conter exige une grande intensité qui nécessite de se sentir porté par le contexte.

 

Il y a un grand mystère dans le comportement d’une foule. Il convient de prendre du recul ; c’est d’ailleurs ce que je fis en montant sur un tonneau. Les mauvaises langues prétendirent que je les regardais de haut. Rien n’est plus faux. J’avais simplement besoin d’un peu d’air frais … La fête s’achève, le beurre a fini par agrémenter les épinards. C’est bien plus digeste !.

 

Obstinément leur.

Je conte pour du beurre.
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R
Si vous êtes la crème des homme , je vous recommande instamment de ne pas vous faire trop fouetter .
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C
Raton Laveur<br /> <br /> Allez le dire à mes contradicteurs des quais
R
Nous savons très bien que la première crémière rencontrée , même si elle n'a pas inventé le fil à couper le beurre, pour peu que son sourire soit fondant, viendra vous consoler de votre dur "labeur".
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C
Raton Laveur<br /> <br /> J'avoue une petite faiblesse pour les crémières <br /> Vous devez me connaître