16 Juin 2016
Scène de la vie quotidienne
Doublement choqué ...
La vie quotidienne est un trésor d’inspiration pour le chroniqueur en goguette, toujours avide de sujets et d’expériences et prompt à jouer les justiciers. Ce matin, le hasard m’a encore offert une belle occasion de dépeindre notre société dans ce qu’elle a de plus banal et prosaïque. Ce fut, encore une fois, une opportunité offerte de jouer les bonnes âmes selon les uns, l’empêcheur de tourner en rond selon les autres, ou l’imbécile qui se mêle de ce qui ne le regarde pas. On ne peut changer sa nature !
Je remontais la rue Bourgogne, rue étroite et commerçante du centre-ville d’Orléans sur mon scooter lorsque je vis qu’un automobiliste désirait sortir de sa place de parking. N’étant pas pressé et de nature courtoise quand je n’écris pas, je m’arrêtai pour le laisser sortir tranquillement. L’homme enclencha un peu hardiment la première et sortit à toute vitesse de son emplacement.
Sa manœuvre me surprit par son incongruité inexplicable. Il traversa la rue, pourtant étroite, pour aller percuter de plein fouet le véhicule garé de l’autre côté. Je n’en revenais pas : rien ne justifiait pareil écart ni ne pouvait expliquer une telle maladresse. C’est alors, que tout naturellement, notre homme enclencha la marche arrière, se remit promptement dans le droit chemin et fila sans demander son reste.
Malheureusement pour lui j’étais derrière et cette rue est fort encombrée. Je mis les gaz pour le rattraper et l’immobiliser, mon engin permettant une telle intervention. L’homme, interloqué ouvrit sa vitre pour demander des explications à mon attitude. Sans doute n’avait-t-il rien remarqué de ce qu’il venait de commettre ! C’est du moins ce qu’il voulut me faire croire Je lui signifiai de manière peu amène la nature de son forfait, le délit de fuite et le manque de civisme d’un tel comportement.
Tout penaud, il descendit d’un véhicule, lui aussi assez chamboulé par l’aventure qu’il venait d’avoir en embrassant un congénère à l’arrêt, son avant étant enfoncé méchamment. Deux employés communaux passèrent pas là dans une mini-camionnette. Je leur demandai de noter le numéro minéralogique du garçon et d’avertir leurs collègues de la police municipale. Ils le firent bien volontiers.
Notre automobiliste discourtois ne regarda même pas les dégâts sur son propre véhicule et, comme un petit enfant pris en faute, me suivit jusqu’à l’épave qu’il avait laissée en plan quelques centaines de mètres plus bas. Il déposa un message sur le pare-brise de sa victime, message que je m’empressai de contrôler. Le numéro de son véhicule était exact, mais était-ce sa voiture, était-ce son nom ? Il semblait habiter juste en face car il alla chercher un papier dans un appartement du rez-de -chaussée.
Les employés municipaux repassèrent à notre hauteur : ils venaient vérifier si je gardais la situation sous contrôle. Ils m’avertirent que des policiers ne devraient pas tarder à venir. Puis s’en allèrent à leur travail. Je ne pouvais garder sous la main mon bonhomme plus longtemps. Je lui fis une leçon de morale et fus contraint de le laisser filer. La police ne pointant toujours pas son nez, dix bonnes minutes après avoir été avertie.
J’attendis encore une demi-heure dans un café tout proche de l’incident. Je vis passer sans qu’il ne s’arrête un véhicule policier. J’espère que la victime pourra se retourner contre ce sagouin de bas étage. J’ai comme un doute. J’ai fait mon maximum ; la police municipale n’a sans doute pas considéré que des dégâts matériels méritaient un déplacement de sa part. L’automobiliste lésé appréciera sans aucun doute cette vision des choses. Il est vrai que nous sommes sur une rue chaude, fréquentée par une population interlope.
Je ne me suis pas occupé de l’origine du maladroit pleutre ; je suis intervenu sans craindre sa réaction. Les hommes en uniforme avaient sans doute mieux à faire. Je tiens à les en féliciter. Ils font honneur à leur mission. Je me suis ainsi occupé de ce qui ne me regarde pas. Le chacun pour soi étant devenu la règle dans cette belle nation. Pourtant je ne me résoudrai jamais à me l’appliquer à moi-même. À tout hasard, si personne n’a réagi à ce message, le quidam désolant était à bord d’une voiture de couleur noire immatriculée DK-766-- 60. Vous allez voir que c’est moi qui vais être accusé d’infraction si tout va bien mais peu m’en chaut, je n’en ai cure !
Civiquement vôtre.