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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Les fesses

L'autre versant des choses

 

 

Ne point leur tourner le dos

 

Elles sont les mal-aimées de la société, condamnées à s'asseoir sur bien des remarques. Elles sont parfois cul ou bien arrière-train, derrière ou bien charmantes courbes. Elles changent de nom en fonction de savoir qui les porte ou bien les supporte. Il y a terrible injustice à ne pas considérer ces merveilles jumelles pour leur simple rotondité.

 

Les fesses se sont brouillées : la droite et la sœur jumelle ont, depuis longtemps, établi un fossé entre elles, une barrière infranchissable, une pomme de discorde qui a creusé son trou. De ce péché capital, elles n'ont jamais pu se relever, en dépit de leur forte propension à ignorer les questions sans fondement.

 

Les fesses aiment à tenir dans la main. En dépit d'une réputation sulfureuse, elles ne font jamais d'étincelles. Elles se prêtent aimablement à nos admirations et nos caresses. Elles frissonnent, elles se donnent ; elles sont si aimables quand elles relèvent la tête. Les fesses aiment à être considérées à l'instar des seins qui se flattent de savoir prendre de la hauteur.

 

Elles se passent de bonnets ou bien de balcon, se contentent parfois d'une ficelle qui peut nous paraître parfois un peu grosse. Les fesses sont culottées, elle osent et se posent. Elles se reposent et déposent le bilan quand elles trouvent une chaise percée. Elles se rêvent alors Princesse, trônent en majesté en un lieu d'aisance qui est construit tout à leur gloire.

 

Les fesses sont joyeuses, voire radieuses quand on les considère sans mine déconfite ni air pudibond. Elles ont parfois besoin d'air : les unes aiment le vent qui vient du large, les autres lui préfèrent un petit soupir délicat. Elles ne s'excusent pas en mettant la main devant la bouche, naturelles en leurs abandons, en dépit du regard courroucé des gens bien-pensants.

 

La fesse bretonne préfère le ressac au cul-de-sac, sa congénère lorraine regarde la ligne bleue des Vosges. La fesse beauceronne est désespérément plate, la solognote dissimule le petit gibier, la bourguignonne joue les peaux de vache …. Chacune est porteuse d'une tradition qui la façonne, qui la définit. Mais rien n'est pire pour elles toutes que de s'émanciper du joug de la morale traditionnelle. La fesse est souvent mise à l'index : c'est bien ce qui la navre le plus.

 

La fesse a besoin d'être comprise. Il n'est pas nécessaire de lui tourner le dos sur prétexte qu'elle manque d'éducation. Il est vrai que la prohibition de la fessée lui a porté un coup fatal. Elle est descendue de l'estrade, elle a perdu son rôle essentiel dans la formation des masses. Elle a renoncé à apporter sa pierre à notre scolarité. La fesse se contente de rester dans les annales.

 

Si Paris valait bien une messe, la fesse ne participe guère à la liturgie sacrée. Elle est montrée du doigt quand le prêtre monte en chair, fort injustement la plupart du temps. Car avouons qu'elle n'est guère responsable des turpitudes de ses camarades de jeu. Elle a beau aimer les douces caresses ; elle ne participe guère à la ronde libidineuse des parties qu'on prétend honteuses. Quoique !

 

Honteuse, la fesse ne l'est pas : elle est plutôt assez fière de ses rondeurs, de ses courbes, de son galbe. Elle se dandine, chaloupe, tangue, frétille avec grâce et volupté. La fesse attire l'œil du chaland, elle souligne le déplacement par une chorégraphie aimable et plaisante. Le beau cul est à l'honneur alors que ce sont les superbes fesses qu'il faudrait célébrer. Si singulière pourtant, elle ne peut se passer de sa sœur jumelle pour faire tourner les yeux et les cœurs.

 

J'avoue ma honte d'avoir osé cette apologie d'une partie charnelle qu'on laisse souvent dans l'ombre. Faire un papier à ce propos n'est sans doute pas digne de la toile. Il me faudra sans nulle doute aller à confesse pour ma plus grande confusion. Quand on cherche une chute pour clore un tel sujet, il n'y a pas de quoi se taper le cul par terre. La conclusion s'échappe, elle me file entre les doigts, je vais devoir laisser le propos en suspens …

 

Mais voici que soudain montent les plaintes de toutes les fesses de ce pays. Une grande tendance vient jeter la consternation dans cette confrérie discrète et silencieuse : le bidet disparaît inexorablement de nos salles de bain. Un mouvement de protestation s'élève de la France profonde et il se murmure que les fesses les plus véhémentes comptent se lancer dans un grand sit-in revendicatif. Je leur apporte mon soutien sans faille !

 

Fessièrement vôtre.

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