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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

La cheminée crépite à nouveau.

La lecture du prologue du nouveau livre des éditions du Jeu de l'Oie a sans doute influencé ce curieux texte. Que mes lecteurs pudibonds me pardonnent ce petit écart. Les "Fantasmes et Tourments en Sologne" de Nadine Richardson sont redoutablement évocateurs

La cheminée crépite à nouveau.

L'hiver, enfin !

 

Le vent a tourné, le ciel s'est obscurci et une pluie glacée a sonné le glas de cet interminable été de la Saint Martin. Nous voilà enfin revenus aux plaisirs de saison. Les châtaignes veulent s'unir aux flammes de la cheminée et la maison tout entière souhaite se lover dans la douceur d'un feu bienfaisant. C'est du moins ce que vous pensez.

 

Même s'il y avait jubilation à se vautrer sur les terrasses et à prendre le temps de flâner sous ce soleil de décembre, l'hiver réclame sa part. Nous en avions besoin pour nous retrouver, blottis au chaud, grelottant, un peu avant que de céder à la moiteur d'un intérieur où trône la cheminée. Le feu nous enchante de ses flammes et des crépitements qui nous font sursauter juste à l'instant où l'assoupissement gagnait la partie.

 

La cheminée dévore ce que vous lui aviez confié. Il faut que vous affrontiez à nouveau les rigueurs du temps pour aller quérir des bûches qui deviendront cendres sous sa gourmandise insatiable. Vous vous habillez ; la réserve est si loin, tout au fond du jardin. Que diable ne pas avoir pensé à la mettre au plus près de cette bouche qui a toujours faim ? Ce petit frisson en appellera d'autres ….

 

La cheminée a son compte ; elle couve devant tout ce bois qui, l'espace de quelques instants, a eu raison des caresses des flammes. Vous entendez la bataille qui se joue devant vous. Les joues vous chauffent, elles rosissent. Vous devez vous délester de quelques vêtements superflus. Puis, les flammes à nouveau emportent la partie ; elles enveloppent ces bûches qui, l'instant d'avant  leur faisaient obstacle. Vous succombez à votre tour au feu intérieur.

 

Le feu vous enveloppe. Vous vous laissez porter par ses douceurs. Vous voulez jouir de ces moments intimes. L'hiver a enclos chacun dans son intérieur douillet. Vous vous retrouvez avec votre amour. La nuit tombe si vite, entre chien et loup, tous les chats se grisent ; l'instant est propice à des folies que nous n'imaginiez certes plus. Osez cet abandon, osez cette folie des sens. Les flammes peuvent bien être celles de l'enfer : vous risquez simplement le plus beau des paradis.

 

Vos caresses s'inspirent du jeu troublant des flammes sur le bois. Elles s'insinuent, vous les imitez ; elles lèchent, elles s'adoucissent puis soudain, font "éruption" là où vous ne les attendiez pas. Vous êtes, tout à tour, bûche et flamme, tous les deux, sur ce canapé qui vibre d'une intensité sublime. Le feu gagne la maison, la déraison est de saison, l'hiver provoque le dérèglement climatique intime ; la banquise fond et plus rien n'a d'importance.

 

Puis les corps repus et comblés se laissent emporter par le sommeil. La cheminée, complice, vous berce. Elle se délecte de vos souffles apaisés. Elle sait qu'à votre réveil, le tumulte qu'elle a su imposer réclamera quelques réconforts. Le poêlon à châtaignes viendra trouver quelques braises pour que claquent les fruits de l'automne.

 

La bonne odeur vous redonne de la vigueur. Quelques caresses avant que de jouir de ce bonheur gustatif. Vous mangez, oubliant en ces instants votre nudité comblée. On sonne à la porte, vous vous surprenez à ne plus savoir que faire. C'est l'affolement général. Vous vous vêtez en toute hâte, dans le désordre des vêtements jetés n'importe où.

 

L'un de vous aura retrouvé ses esprits le premier. Tant bien que mal, il ira jusqu'à la porte, s'étonnera du regard des amis. Le désordre de sa mise est sans équivoque. Les amis arrivent sur le théâtre des turpitudes. Vous affirmez vous être endormis auprès de la cheminée. Vous les invitez à manger quelques châtaignes. Ils sourient, ils se lancent des regards complices. L'état du canapé est sans équivoque. L'odeur de l'amour couvre celle des marrons. Ils hument ce parfum et s'en imprègnent à leur tour.

 

Vos amis prétextent une excuse quelconque. Ils veulent vite rentrer chez eux et mettre, eux aussi, le feu aux poudres. Qui a prétendu que l'hiver n'était pas la saison des amants ? Ceux qui n'ont pas de cheminée ni de foyer ouvert sur le monde des sens sans aucun doute. Soufflez sur les braises, rallumez la flamme ; il n'est rien de mieux à faire, je puis vous l'assurer.

 

Braisement vôtre

La cheminée crépite à nouveau.
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K
Les flammes s'ébranlent, se confondent, étrennent à chaque fois un bois nouveau pour s'embraser davantage, virvoltantes et fiévreuses, luxuriantes et joyeuses. Puis le bois vient à manquer, la forêt est dévastée: il n'y a plus suffisamment d'arbres pour garantir l'incandescence des jours heureux. Alors les yeux mélancoliques se figent dans la cheminée: il ne reste que des cendres, d'éternelles cendres.
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C
Kakashi<br /> <br /> C'est fort bien troussé si je puis me permettre <br /> <br /> Bravo l'artiste