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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Ma chorale déchante.

Petite fugue musicale sans importance

Ma chorale déchante.

 

Un couac dans les pupitres

 

Il fut un temps où notre chorale baignait dans une douce harmonie. Tout était alors réglé comme du papier à musique. Le maître de chœur jouait les jolis cœurs, menait d'une main ferme son petit monde à la baguette et faisait les yeux doux à celles qui avaient des trémolos dans la voix. Les femmes se pâmaient, les hommes s'amusaient du succès du musicien émérite. Tout le monde ou presque chantait à l'unisson. Nulle note discordante, en apparence du moins, car, comme dans tous les ensembles, il y avait bien quelques solistes qui voulaient tirer la couverture à eux.

 

Puis soudain, l'accord parfait en apparence se fissura, des lézardes apparurent au grand jour. Des couacs se firent entendre dans les rangs, des cordes vocales grincèrent et la zizanie s'insinua sournoisement. Les choristes ne parvenaient plus à accorder leur violon. Il y avait du tirage, des vagues de mécontentement, des plaintes qui résonnaient dans les voiles du palais et des récriminations qui retentissaient dans les têtes. C'en était fini de la belle concorde enchantée.

 

Qui fut à l'origine de la catastrophe ? Nul ne saurait le dire. C'est pourtant quand il fallut chanter en canon une mélodie martiale que les choristes cessèrent de marcher au pas et que certains fourbirent leurs armes. Un bémol dans le bécarre, un trémolo qui reste en suspens, une double croche qui fourche et tout va à vau-l'eau. La musique dans pareil cas, n'est pas de nature à adoucir les mœurs, bien au contraire, c'est le conflit qui arrive au pas de charge tant les divergences se font alors discordances.

 

Sonnez tambours, résonnez musettes, : l'approche de Noël et ses chants niaiseux où un petit enfant blond aux yeux bleus fait l'âne dans une crèche alors qu'il aurait pu naître sous une bonne étoile, provoqua la colère des mécréants de service et des esthètes à l'oreille absolue. Quelques soupirs, des explosions et tous de se refuser au diapason dans un vacarme assourdissant.

 

Le chef s'inquièta : « Que me chantez-vous là ? ». Silence dans les rangs ; personne n'osait élever la voix alors que l'instant d'avant, c'était un concert de casseroles. Il lui fallait pourtant comprendre pourquoi tous ces choristes avaient décidé de prendre la clef des chants, de fuir la belle nuit de la nativité. Une crise de foi juste avant les fêtes : il y a lieu à s'en étonner. « Cet anachronisme ne présage rien de bon », pensa le musicien, qui avait fort bien pris la mesure du malaise.

 

Puis ce fut à nouveau le brouhaha. Chacun exprimant son mécontentement, voulant suivre sa propre voix, se réclamant de sa liberté de conscience. Les alti haussaient le ton, les sopranes préféraient la fugue, les ténors roulaient des épaules et les basses creusaient la question : avec elles rien n'est grave ni même tout à fait juste. Un baryton qui passait par là, ne trouvant pas sa partition, fut prié de se taire. Décidément, plus rien n'allait au pays des cantarelles et tous les participants de vouloir se faire maître-chanteur en dépassant la mesure. « Le temps se gâte ! » déclara un nouveau venu qui venait prendre le pouls du groupe et les battements du chœur !

 

Face à cette levée de bouclier, le bureau de cette noble association décida dans l'instant de rendre son tablier. Démission immédiate ! Les choristes en restèrent sans voix, le chef de chœur se sentit désavoué. Il vit déjà son avenir en noir, sa prochaine nuit serait blanche ; il voulut s'accrocher à l'espoir et pointa, dans un magnifique adagio, les belles envolées lyriques d'autrefois. Il pensait que la paix était à sa portée ; il récolta la guerre au rythme des marches funèbres. Au loin, quelques cors sonnaient l'hallali !

 

Hélas, toutes les belles années enchantées furent ainsi effacées le temps de cette déflagration. Le vent de la colère brisa l'harmonie d'autrefois, rompit le rythme des succès et des répétitions joyeuses. La messe fut dite, la chorale déchanta et se trouva dans l'instant sans direction. Comment conduire un ensemble quand il n'y a plus de pilote dans les rangs ? La musique a besoin d'équilibre, il n'est pas envisageable de jouer à contretemps sans métronome ni tempo.

 

Pour l'heure, les choristes sont sonnés. Qui va accepter de donner le la, reprendre la main et mettre un cadre dans la cacophonie du moment ? Soudain, une main se lève, un nouveau président, un guide pour sortir de la tourmente? Les têtes se tournent vers le bienfaiteur : c'est le maître de chœur qui a sauvé sa tête ; il ne restera pas sur la paille avec celui qui a provoqué ce désordre abominable : ce petit Jésus promis au plus bel avenir. L'affaire est réglée, la cause est entendue, les violons sont accordés et les notes rejoignent enfin leurs portées.

 

Le chef reprend la tête de son ensemble. Il donne la note, demande le silence. Le calme se fait, les pupitres retrouvent leurs partitions. Le tempo est donné, la direction est prise, la chorale a retrouvé ses esprits. L'air de rien, elle vient de sauver elle aussi sa tête. Moi qui viens juste d'arriver, j'en reste sans voix. Mon voisin, ironique, me dit que c'est préférable.

 

Quelques personnes ont claqué la porte. Ainsi va la vie d'une communauté humaine : il y a des hauts et souvent débats. L'essentiel est de se dire qu'on a beau connaître la musique, les variations des humains sont bien souvent indéchiffrables. « Et ce n'est pas qu'une question d'interprétation », me souffle mon voisin.

 

Harmonieusement leur.

Ma chorale déchante.
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K
Nabum,<br /> <br /> Comme d'habitude, vous donnez le La, je réponds en Fa dièse
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C
Kakashi<br /> <br /> Ne parlez pas technique, je ne suis pas musicien pour deux sous
K
Les fadaises entonnées par les ténors de l'antiracisme n'ont jamais été au diapason de la société.<br /> <br /> Ces quarante dernières années, ils donnèrent le La alors qu'aucun n'a l'oreille musicale. <br /> <br /> Je pense à tous ces coeurs qui reprirent en choeur leur petite mélodie, sûr de la justesse des notes.<br /> Quels croassements insupportables !<br /> <br /> Il fallut entendre le son du sang et des larmes pour qu'une part de la population réalise à quel point ça sonne faux leur petite musique.
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C
kakashi<br /> <br /> Vous me jouez là une partition assez éloignée du sujet réel<br /> <br /> Mais puisque tel est votre volonté, je ne suis pas loi de l'accord sur ce commentaire en dépit des apparences