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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Retour de voyage.

MBH 9 & fin

N'est pas touriste qui veut …

Je dois me faire à l'évidence ; je ne suis pas fait pour être touriste au long cours. J'ai bien trop de cailloux dans mon bagage pour me glisser dans la peau béate des arpenteurs du monde, le passeport collecteur et la faculté à se couler dans la masse comme paravent protecteur. Les uns diront que je suis un vieux grincheux, les autres un affreux misanthrope et certains ne manqueront pas de clamer à la prétention et à la morgue. Il ne faut tout de même pas exagérer : je ne suis pas philosophe en chemise blanche …

Il y a d'abord cette incapacité à parler convenablement une langue qui est devenue l'ouvre-boîte de la mondialisation. Ceci relève du handicap indépassable, de la tare impardonnable : sans la maîtrise du globish anglophone, il est préférable de rester à la maison. Il y a encore ce refus de la foule, un mal-être dans la multitude qui n'autorise pas de fréquenter les endroits qui comptent pour faire comme tout le monde !

Puis il y a le programme du touriste : ces obligations qu'il convient de respecter pour pouvoir se prévaloir d'un voyage réussi. Toutes ces étapes incontournables qui sont officialisées par les guides et les agences de voyage, ne pas s'y soumettre c'est prendre le risque du quolibet ou de l'ironie moqueuse et pourtant, c'est au-dessus de mes forces de remplir le carnet de route du touriste patenté.

Je préfère traîner dans les rues étroites, les lieux à l'écart de la gent étrangère ; j'aime observer les gens du pays dans leur réalité quotidienne, humer le parfum de la vie, loin des images glacées. Mais pour ce faire, j'ai la conviction que le regard n'est pas suffisant ; le voyeur n'est pas un témoin crédible, il est nécessaire d'échanger avec ces gens de rencontre, d' écouter leur récit, d' entrer en communion avec eux. La langue est alors un obstacle insurmontable.

Mon ailleurs, ce sont les autres et non les paysages et les monuments, les saveurs ou bien les couleurs. Chacun a sa lecture du monde, la mienne passe par essentiellement par l'écoute des individus. Pour moi, plonger dans un bistrot de campagne et écouter les conversations est un plus grand voyage que parcourir toutes les merveilles du monde. Je n'y peux rien et je dois me résoudre à limiter mon champ d'investigation à la seule francophonie.

Mon aversion de la multitude réduit mon champ d'investigation aux zones délaissées par les inévitables consommateurs de soleil et de mer, de sensations fortes et de rendez-vous incontournables. C'est dans les endroits les plus banals que je dois faire mon miel, trouver les perles qui se dissimulent dans quelques personnages hors du commun. Ce voyage-là, il est au plus profond de l'intime, il n'a pas besoin d'avion et de visa et je suis certain que c'est mieux ainsi.

En voyage, je ne vois que les simagrées de mes homologues : les curieux occidentaux qui transforment la planète en théâtre de leur ego. Ils focalisent mon attention, ils attisent ma colère et mon dégoût d'être de ceux-là. Ils me font honte tant ils se conduisent mal, imposent leurs manières détestables et leurs exigences standardisées à des autochtones réduits à de simples pions pittoresques.

J'en perds ma capacité d'émerveillement car leurs excès ne cessent de me révolter, de me pousser à l'indignation. Je rentre de voyage et je découvre que j'ai passé mon temps à noter les abus de toutes sortes, commis par mes pareils, honteux du spectacle imposé par eux à ceux qui nous faisaient l'honneur de nous recevoir. Pourtant ceux-là méritaient un regard débarrassé des grimaces que nous leur infligeons. Leur volonté de satisfaire nos caprices peut se comprendre mais elle les enlaidit quelque peu par notre seule faute.

Je me rappelle ces touristes sans vergogne se photographiant devant des mémoriaux avec des gestes obscènes alors que ces lieux étaient chargés de sens et de souffrance pour les gens du pays ; je les revois méprisant les plats locaux pour se gaver des mêmes saloperies qu'ils mangent habituellement chez eux ; je les entends parlant fort sans se soucier de savoir s'ils peuvent indisposer ceux qui les entourent ; je les vois claquant l'argent facile pour montrer combien leur niveau de vie est supérieur à celui des miséreux qu'ils côtoient ici.

Si voyager c'est d'abord devoir se colleter tous les travers de nos voisins, de nos semblables, de nos, hélas, si pareils, cela est au-dessus de mes forces. Je renonce à l'aventure lointaine et reprends mes semelles pour aller à la quête de l'exceptionnel à deux pas de chez moi. Il faut accepter l'évidence : je ne serai jamais du nombre des clients fidèles des compagnies aériennes. Ne me jetez pas la pierre ; vous aurez ainsi plus de place pour votre insatiable soif d'exotisme calibré et sécurisé.

Honteusement vôtre.

Retour de voyage.
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J
"ses maudits anglois peuvent rester dans leur île .."<br /> Se souvenir que durant l'occupation ce mot maudit était remplacé par le terme de Cauchon, évêque français qui condamna Jeanne d'Arc et sans oublier durant cette même période le leitmotiv d' Hérold-Paquis: "L'Angleterre comme Carthage sera détruite",<br /> Seriez-vous hostile aux futurs migrants anglois?
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C
Jean <br /> <br /> Je suis naturellement dans la caricature mais n'oublions pas que s'il fallait choisir entre l'Europe et les USA, l'Angleterre n'hésiterait pas une seconde
L
Au moins votre voiture est très originale...<br /> Je suis comme vous, entièrement !<br /> En ce qui concerne la langue de Shakespeare, je suis aussi comme vous, je lutte avec depuis l'enfance sans pouvoir faire une phrase correcte... pourtant je parlais couramment le français en trois mois après mon arrivée à Paris ! On a qu'à faire la même chose, un séjour de 3 mois à Londres et vous et moi nous pourrons lire Roméo et Juliette en langue originale !<br /> <br /> Bon WE à vous
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C
L Hatem<br /> <br /> Je suis moins seul, merci ! <br /> <br /> Je ne supporte pas la langue ; ses sonorités et son impérialisme<br /> Je suis joueur de rugby dans l'âme et ses maudits anglois peuvent rester dans leur île ..