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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Propos sibyllins.

L'obscur objet du délire …

Propos sibyllins.

Souvent on me reproche quelques propos sibyllins, des formules alambiquées, des circonlocutions qui ne sont pas accessibles au commun des lecteurs. Il se peut que la remarque soit pertinente et je vous prie d'excuser ce nécessaire brouillard qui nimbe parfois mes billets et mes récits. Il faut admettre que la prudence est la mère de toutes les vertus et qu'il y a dans cette vallée de larmes des gens disposés à saisir la justice pour un mot de travers.

 

Écrire c'est donc prendre un risque contre lequel l'écriveur compulsif doit se prémunir en avançant masqué. Ne croyez pas que le pseudonyme protège réellement notre aventurier de la franchise, notre explorateur de la vérité. Non, il est bien des manières de reconnaître l'auteur derrière son nom de vague ; la prévoyance impose bien d'autres précautions.

 

La plus élémentaire consiste à ne jamais nommer quiconque serait susceptible de vous nuire. C'est une évidence que je n'ai malheureusement pas toujours appliquée, et je le déplore amèrement. Les fâcheux de demain étant parfois les amis de la veille, il convient de ne jamais dévoiler ses sources tout autant que leurs instigateurs. Le vent tourne et la justice veille au grain plus qu'au beau temps !

 

 

Propos sibyllins.

La seconde disposition salutaire exige de ne pas localiser votre propos même si, la réputation allant, chacun devine facilement d'où vous parlez. L'imprécision est garante de tranquillité, l'omission de la localisation est la plus prudente des stratégies. Suggérer est permis, citer est interdit au pays des hypocrites et des plaideurs. Retenez la leçon et vous n'en serez que plus tranquille. Les avocats n'étant là, malheureusement, que pour servir les intérêts des fripouilles bien plus que ceux des honnêtes gens !

 

Ensuite, vous devez user de l'art du sous-entendu, de la litote et de tous les artifices que la langue met à votre disposition. Vous n'écrivez plus, vous dessinez un labyrinthe pour un écrit en arcane aux multiples clefs. Vous n'êtes d'ailleurs pas à l'abri de vous égarer vous-même dans les méandres de votre récit, dans les innombrables bifurcations que vous avez empruntées pour bien semer le trouble.

 

Si votre billet perd en clarté, ne songez pas à éclairer vos lecteurs. Votre lanterne ne sert qu'à vous-même ; chacun trouvera minuit à sa porte et c'est bien mieux ainsi. Vos propos abscons ouvrent d'autres portes qui ne vous sont pas destinées. C'est là l'art et la manière de ce qui a été conçu dans la dissimulation et exprimé dans la confusion. Chacun y apporte son grain de sel pour donner des éclairages nouveaux.

 

L'énigme intrigue, attire et incite à mener l'investigation. Le propos confus est plus garant de succès que la pensée limpide et la parole en toute franchise. Ce monde n'aime rien tant que les jocrisses, les hypocrites, les ésotériques à la petite semaine, les falsificateurs de la vérité. Laissez vos propos en suspens, éludez, prenez des raccourcis, des fausses routes et vous serez célébré pour la qualité de votre pensée, la profondeur de vos abysses. Plus vous serez illisible au premier abord, plus vous serez élevé au rang de grand de la prose.

 

Voilà, vous en savez assez pour prendre le clavier et éviter les chausse-trappes de la judiciarisation tout en vous élevant vers les sommets de l'intelligentsia confuse, moderne et merveilleusement inaccessible. Je viens de vous offrir un petit petit aperçu du possible, vous montrer la voie de l'obscure clarté de la langue écrite. À vos claviers : la route est tracée ; surtout ne l'empruntez pas. Allez sur vos propres pas, les byzantins n'écrivent pas tous dans le même registre sibyllin.

 

Obscurément vôtre.

 

Propos sibyllins.
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R
Bizarre : je vous trouve toujours très clair , rien de sibyllin dans vos propos , rien d'abscons , d'abtrus , d'ésotérique . Et puis quelle importance ? Chacun les reçoit et les reconstruit à sa façon .<br /> Cela me fait penser à la réaction de Gilles Deleuze ( je précise que je suis doctus cum libro ou plutôt cum wikipedia) qui était plus content d'être compris par un club d'origamistes ou de surfistes que d'universitaires:<br /> "Pour le lecteur, que la lecture soit toute récente ou fort ancienne, Deleuze est toujours un labyrinthe. La lecture trop fraîche le prend pour une « machine à dérouter », on le conçoit ensuite plutôt comme « machine à orienter ». C'est à la condition de disposer des segments nécessaires pour re-construire soi-même le principe de ce labyrinthe, afin de s'y orienter et d'y orienter le lecteur "
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C
Raton Laveur<br /> <br /> Pourtant la remarque est fréquente ! <br /> <br /> Souvent les propos se perdent dans le refus de les comprendre. Il est vrai que c'est bien plus confortable que de ne pas aborder frontalement le réel <br /> <br /> Merci de le faire avec courage