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Chroniques au Val

Ligericus sum, nil Ligeris a me alienum puto.

Le cadeau enchanté.

Partage merveilleux.

Depuis six mois, chaque semaine, je rencontrais une jeune fille qui éprouve bien des difficultés à se concentrer sur son travail scolaire. Son niveau est indéfinissable : elle picore de-ci de-là comme un petit oiseau qui ne reste jamais en place. Devant la complexité de la tâche, à chaque séance, je lui disais un conte.

Magie de la fiction, des fées ou de l'oralité, soudain, elle se calmait, cessait de bouger et écoutait, attentive et passionnée. Petit à petit, il s'établit un curieux lien entre nous : un jeu en quelque sorte, qui se terminait invariablement par ce merveilleux retour au calme. Confondant sans doute ma mission et ma passion (c'est à coup sûr ce que vont penser quelques esprits mesquins), j'ajoutai au programme une chanson que j'avais écrite pour le groupe LaBouSol.

La petite aimait à fredonner même si son rapport au rythme était assez douteux. Qu'importe, seul le plaisir compte en ce domaine. J'offris donc le disque à sa maîtresse,sans illusion cependant : pensant que ce cadeau resterait lettre morte comme ce fut le cas , hélas, en quelques endroits. Je sais même des classes où les maîtresses ne l'ont jamais fait écouter à leurs élèves … Ingratitude et indifférence sans doute !

Cette fois, le cadeau ne fut pas vain. La maîtresse me demanda d'expliquer la chanson à la classe avant de la lui passer plusieurs fois afin qu'elle la chante. Je pensais la leçon terminée quand j'appris, plus tard, que trois de nos chansons étaient au programme de la chorale de l'école et qu'elles seraient chantées à la kermesse devant les parents. Je ne pouvais laisser passer ce prodige sans y ajouter mon grain de sable de Loire.

Je proposai à la maîtresse d'offrir un spectacle avec mes camarades pour l'ensemble de l'école. Ce fut immédiatement accepté et j'avoue que son enthousiasme contrastait singulièrement avec les réactions de refus méprisant, constatées ici où là. Il est bien difficile d'entrer dans ces sanctuaires de la culture officielle quand on est des pauvres baladins anonymes.

Nous prîmes date et ce jour tant espéré arriva. Les cent soixante-deux élèves de l'école se pressaient dans la salle polyvalente. Sagement, ils commencèrent à nous chanter les quelques morceaux à leur programme, dont je ne peux rien vous dire, au risque de mettre en chasse les trappeurs de la Sacem.

Puis ce furent nos compositions. Un vrai bonheur que d'entendre ces trois créations dans les bouches de ces enfants. Ils connaissaient le texte par le cœur, bien mieux que notre chanteur, atteint désormais de défaillance de la mémoire. Je le voyais ému aux larmes notre Casimir, si sensible quand il s'agit du monde merveilleux de l'enfance.

Ils s'assirent tous sagement et nous laissèrent la parole. Entre chansons et contes, nous leur offrîmes ce petit spectacle qu'ils avaient mérité pour leur application et leur investissement. Ils nous récompensèrent par une écoute sans démenti, une participation enthousiaste. Il faut reconnaître que les enseignants demeurèrent très vigilants, recadrant les quelques petits écarts inévitables à cet âge. Rien de très sérieux, tant ces enfants restèrent sages et attentifs.

Le final ne fut qu'enchantement : nous reprenions avec eux nos chansons qu'ils nous avaient si bien interprétées. Une véritable communion, des mains qui frappaient la cadence, des corps qui se balançaient à l'unisson et de l'émotion partagée. Le lendemain, lors de la kermesse, la présence des parents ne permettrait pas une fusion si parfaite ; c'est ainsi : il n'y a pas lieu de s'en étonner.

L'heure de la sortie approchant, il fallut se résoudre à se quitter. Les « merci » ne cessèrent de fuser de toutes parts. Je ne sais qui devait remercier l'autre. Nous étions tous trois aussi heureux que les gamins. Les enseignants l'étaient tout autant, surpris de découvrir, à deux pas de chez eux, des gens capables d'entraîner les élèves sur un spectacle bien plus agréable que ceux qui leur sont proposés par les structures officielles.

Nous ne sommes que de modestes baladins. Nous ne savons pas nous faire valoir auprès des organismes académiques. Je m'étais même proposé pour aller gracieusement raconter la Loire dans les écoles : aucun retour de l'inspecteur . Il n'est pas à s'en étonner : notre société est si fragmentée qu'il ne fait pas bon aller sur les chemins de traverse.

Qu'importe ! Nous venions de partager un cadeau enchanté. Il ne restera pas sans suite : c'est une évidence ; et s'il ne reste qu'une école qui recevra à nouveau notre visite, ce sera celle-ci. Il suffira de n'en rien dire à personne. Pour vivre heureux, il est préférable de rester cachés... Et je peux vous assurer que les enfants de cette petite école tranquille étaient véritablement ravis.

Enchanteurement leur.

Le cadeau enchanté.
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L
Dites-nous, bonimenteur affectionné , quelles sont les trois chansons choisies par vos petits interprètes . Moment très émouvant à n'en point douter . Les souvenirs d'enfance restant les plus vivaces, qui sait si après votre disparition , devenus des ancêtres , ces oisillons ne fredonneront pas vos chansons après avoir tout oublié ?<br /> Longtemps , longtemps , longtemps après que les poètes ont disparu<br /> Leurs chansons courent encore dans les rues "
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C
Laure<br /> <br /> Leur choix fut le suivant : <br /> <br /> Où vas-tu marinier<br /> Un bout de Loire<br /> L'Océan<br /> <br /> Trois genres vraiment différents<br /> <br /> Un,e autre classe va chanter vendredi <br /> La guitare au fil de l'eau<br /> <br /> Merci