27 Avril 2015
La vacance de l'assuétude…
Voici que se profile dans l'irréversible immédiat, une terrible épreuve qui me glace d'effroi. Face à moi s'ouvre un gouffre insondable. Je m'apprête à plonger dans le vide, dans cet inconnu sans fond que constitue une retraite, un exil loin de la ville. Seul, face à moi-même, je suis contraint de vous priver sans ménagement de cette compagnie qui vous est devenue certainement indispensable.
L'impensable n'est jamais certain. Pourtant, au bout d'un chemin toujours incertain (que saint Christophe ait la bonté de veiller sur ma personne ), la civilisation communicante, pour moi, l'espace d'une semaine, va redevenir poussière. Tous les liens établis patiemment depuis plus de six années, toutes les connexions qui ont illuminé mon passage dans ce monde merveilleux et, n'ayant pas peur de l'écrire, miraculeux, vont soudain, du jour au lendemain, s'éteindre soudainement.
Allant au bord de l'océan dans une maison de vacances qui a échappé à la modernité vitale, je suis contraint de renoncer aux bontés de ce monde. Au cœur de la tradition française du surf, au bord de ces plages tumultueuses, de ces rouleaux propices, je serai totalement et désespérément privé de mon évasion quotidienne et nul rets ne me prendra au piège ! Je renonce à Satan et à ses œuvres, pour souffler et pour vous mettre en paix avec moi-même !
J'aborde cette terrible amputation avec une angoisse sourde et le sens du sacrifice propre aux gens de mon ordre. Comment vivre sans mes nobles lecteurs, mes admirables lectrices ? Comment supporter la disparition de mes compagnons du réseau social à face de bouc ? Comment vous priver du meilleur de moi-même : mes billets assassins ou mes chroniques doucereuses ?
Entre mimosas et arbousiers, mon monde fantasmagorique va tirer son indifférence. C'est avec une anxiété non feinte que j'aborde cette immersion volontaire dans le monde du silence. C'est Nabum va disparaître des écrans radar, des moteurs de recherche et des palmarès de l'éphémère. Vous l'oublierez bien plus vite que vous n'avez fini par accepter son verbiage amphigourique.
Un pauvre anachorète a fait vœu d'abstinence numérique pour renoncer à sa logorrhée paradigmatique. Il prendra l'habit de bure pour affronter les frimas des Landes et l'absence revendiquée de connexion Internet. Le sacrifice paraît considérable pour le pèlerin du calepin, le pitre du clavier, le lascar des fadaises, mais il est nécessaire pour se défaire de cette assuétude décadente tout autant que dévorante.